Mannequin vedette et actrice en plein essor, Mizuhara Kiko s’est confiée à Zoom Japon. Elle raconte son passé et ses projets d’avenir.
Je me trouve dans un love hotel de Tôkyô. Le grand lit deux places occupe une grande partie de la pièce de style japonais avec son rideau de bambou et sa peinture classique. Elle est là, allongée sur le lit dans son kimono noir brodé d’or. Et si elle ne portait pas à ses pieds des chaussures Christian Dior signées John Galliano, j’aurais pu croire que j’avais fait un grand bond en arrière dans le temps pour me retrouver à Yoshiwara, le quartier des plaisirs à Edo. Mais Mizuhara Kiko, l’un des mannequins et l’une des actrices les plus prisées du Japon, est tout sauf une courtisane et l’illusion ne dure que quelques secondes, le temps que l’assistant du photographe pénètre dans la pièce pour récupérer son matériel et que Kiko disparaisse dans l’autre pièce. Quelques minutes plus tard, nous sommes assis côte-à-côte dans un minibus qui nous conduit à Shibuya. Un large sourire a remplacé le regard énigmatique de tout à l’heure. Sans maquillage, elle ressemble à une petite fille. Pourtant, à 23 ans, elle est déjà considérée comme une ancienne dans le monde du mannequinat puisqu’elle a passé ces dix dernières années devant les objectifs. “Quand j’étais au collège, j’ai décidé que je serai mannequin ou que je travaillerai dans la création. Ma mère a toujours été intéressée par la mode. Elle a donc dû m’influencer dans mes choix”, raconte-t-elle. “Quand j’étais au lycée, le magazine Seventeen cherchait de nouveaux modèles. Ma mère a envoyé ma candidature et me voilà”.
Kiko reconnaît que son métissage a été un plus dans sa carrière. “Mon père est Américain tandis que ma mère est une Coréenne élevée au Japon. Mon apparence et ma taille ont donc joué en ma faveur”, ajoute-t-elle. Mais comme le remarque la photographe Ninagawa Mika, Kiko n’est pas simplement une jolie poupée. Cette dernière ne dit pas le contraire. “De toute évidence, l’apparence ne suffit pas. Tout d’abord, vous devez mettre de côté vos inhibitions. Mais le plus important, c’est d’élargir constamment vos connaissances, expériences et intérêts. Vous devez être curieux de tout. Cette partie de moi vient du côté de mon père, je crois”.
Après trois années passées à travailler pour Seventeen, Mizuhara Kiko passe un contrat avec le magazine ViVi. “Chez Seventeen, tout semblait être un jeu. Chez ViVi, l’approche était beaucoup plus professionnelle. Chaque jour, je devais porter 60 à 70 vêtements différents et m’assurer que je les mettais bien en valeur. Je ne me souviens plus combien de temps j’ai passé devant un miroir pour trouver de nouvelles attitudes et expressions du visage. Ce fut une formidable période d’apprentissage et j’ai mûri d’un point de vue professionnel. Mais maintenant, je suis libre et je peux choisir ce que je veux faire. Je souhaite notamment me consacrer davantage au cinéma. Et puis, après avoir travaillé essentiellement au Japon, j’aimerais bien découvrir d’autres horizons en Asie”, confie-t-elle.
L’Asie a d’ailleurs joué un rôle non négligeable dans la carrière d’actrice de Kiko puisque son premier film, La Ballade de l’impossible, a été dirigé par le réalisateur d’origine vietnamienne Tran Anh Hung . “Je lui dois tout”, reconnaît-elle. “Ce fut un défi quotidien. Avoir comme partenaires Matsuyama Ken’ichi et Kikuchi Rinko, des acteurs déjà accomplis, me compliquait la tâche. Tout le monde m’a beaucoup aidé, mais cela n’a pas été facile. Je me souviens qu’après chaque prise, je me disais que c’est la première et dernière fois que je fais un film”.
En définitive, ce long métrage a marqué un tournant dans la vie de Kiko tant sur le plan professionnel que personnel. “Pour interpréter mon rôle, il a fallu que je plonge au tréfonds de mon âme à la recherche de sentiments dont je n’étais pas sûre d’être dépositaire. Jusque là, j’avais toujours cherché à être gentille avec les autres, mais pendant le tournage, j’ai pris conscience qu’être gentille et être digne de respect sont deux choses bien différentes. J’ai appris qu’exprimer mes sentiments était positif.” Depuis, elle a enchaîné de nombreux films, mais elle a toujours beaucoup à apprendre. “En tant que mannequin, après dix années de travail, je ne crains plus rien. Le cinéma reste encore quelque chose de mystérieux à mes yeux et à chaque fois que je commence un nouveau tournage, je suis anxieuse.”
Malgré ses 23 ans et sa longue expérience de modèle, elle conserve une grande sensibilité. Face au succès, elle garde les pieds sur terre. “Dans un certain sens, devenir célèbre n’est pas trop compliqué. Ce qui est difficile, c’est d’être en mesure de gérer le succès. Beaucoup de choses ont changé autour de moi, mais j’ai l’impression d’être restée la même. Je sais que tôt ou tard, cela s’arrêtera et que je devrai utiliser mon temps du mieux que possible”, raconte-t-elle. Son arme secrète, c’est sans doute son optimisme qu’elle conserve quant à son avenir. “La plupart des films sur lesquels j’ai travaillé jusqu’à présent ne laissaient pas beaucoup de place à des rôles réalistes. C’est pourquoi j’aimerais, à l’avenir, travailler davantage sur des histoires réalistes plus proches de la vie des gens. J’aime les défis et je suis prête pour de nouveaux projets surtout si je sens qu’ils peuvent conduire à de grands résultats”.
Gianni Simone