Le succès de Tokyu Hands s’explique par le désir de faire partager une expertise acquise au contact des produits.
Chaque entreprise, y compris un magasin comme Tokyu Hands dont le système est fondé sur la collaboration, le travail d’équipe et les commentaires des employés, a besoin d’un capitaine. Fukumoto Kazuhiro dirige le magasin de Shibuya depuis 18 ans. Il a accompagné l’évolution du marché. Originaire d’Ôsaka, il a divisé son temps entre Tôkyô et Hiroshima avant de prendre la direction du magasin amiral de l’entreprise Tokyu Hands. Il nous parle de ce lieu si particulier dans l’univers de la distribution.
Combien d’étrangers visitent votre magasin chaque année ?
Fukumoto Kazuhiro : En vérité, il est assez compliqué de connaître précisément le nombre d’étrangers qui se rendent dans notre magasin, d’autant plus que les Asiatiques sont nombreux et qu’il est difficile de les distinguer des clients japonais. Ceci dit, si on se limite aux seules personnes qui ont fait des achats, au cours des six derniers mois, ce sont environ 6 000 étrangers qui sont venus à Tokyu Hands. On a même enregistré une forte augmentation au cours des trois, quatre derniers mois car de nombreux touristes, notamment en provenance d’Asie, peuvent désormais venir au Japon sans visa. C’est ce qui explique la forte présence de personnes originaires d’Asie du Sud-Est.
Par quels types de produits sont-ils intéressés ?
F. K. : Les touristes achètent en général des cartes postales ou de petits souvenirs, des objets qu’ils ne peuvent trouver qu’au Japon. Toutefois, nous avons remarqué dernièrement une progression des ventes de valises et de bagages. Je ne sais pas très bien pourquoi dans la mesure où ils sont surtout fabriqués en dehors de l’archipel. Peut-être que ces touristes viennent avec de petites valises et au moment du retour, ils se rendent compte qu’ils n’ont pas assez d’espace pour ramener tout ce qu’ils ont acheté ici ! (rires)
Comment expliquez-vous la grande popularité de Tokyu Hands ?
F. K. : Je crois tout simplement que nous sommes une enseigne unique qui ne ressemble à aucune autre. Vous aurez du mal à trouver un magasin comme le nôtre ailleurs. Tout d’abord, nous ne nous limitons pas à un seul domaine. De l’entretien de la maison à la décoration, en passant par les accessoires de bureau, les jouets et les soins de beauté, nous vendons des produits qu’on ne trouve pas, en général, dans un seul magasin. En outre, et c’est peut-être le plus important, nous offrons le savoir-faire. Notre personnel est toujours prêt à aider et à offrir des idées ou des conseils.
Sur quoi est fondée l’expertise de votre personnel ?
F. K. : Nous disposons d’un endroit que nous avons baptisé “Hint House” où nous testons les produits. Mais c’est surtout un engagement de tous. Tout le monde met la main à la pâte, du simple employé au cadre, pour utiliser à titre personnel les produits que nous vendons afin de pouvoir déterminer leurs qualités et leurs défauts. Même moi qui me fais vieux et qui perds mes cheveux, j’ai testé des shampoings afin de déterminer le plus adapté à ce genre de besoin. Toute cette information est partagée avec le reste du personnel lors de réunions au cours desquelles nous discutons de la meilleure façon de présenter les produits à notre clientèle. On peut donc dire que notre expertise se fonde sur nos besoins et nos intérêts personnels ainsi que sur le désir de comprendre comment fonctionnent les choses.
Cela fait 30 ans que vous travaillez chez Tokyu Hands dont 18 à la tête du magasin de Shibuya. Comment votre travail a-t-il évolué au cours de ces années ?
F. K. : Auparavant, l’organisation était décentralisée. Chaque branche locale était responsable pour acquérir les produits qu’elle jugeait bon de vendre. Cela signifie que certains magasins vendaient des choses très différentes de celles qu’on trouvait ailleurs. Mais c’était une méthode assez inefficace pour gérer nos magasins. Voilà pourquoi on a décidé de laisser cette tâche à un bureau central. Dans le passé, nous pensions qu’il fallait offrir un maximum de choix aux clients. Désormais, nous estimons qu’il est plus judicieux d’affiner notre sélection pour fournir des produits que nous jugeons vraiment bons.
Comment a évolué le client type ?
F. K. : Tokyu Hands a d’abord attiré les gens aimant travailler de leurs mains. C’est la raison pour laquelle nous stockons encore beaucoup d’outils et de matériaux. Toutefois, cette clientèle a eu tendance à baisser pour laisser la place à des clients préfèrant des produits finis. Depuis trois ou quatre ans, nous avons noté un renouveau des amoureux du bricolage. Un autre point intéressant concernant notre magasin, c’est qu’il est situé à Shibuya, un quartier plutôt fréquenté par les jeunes. Notre clientèle a vieilli avec nous et elle est donc relativement plus âgée que celle des autres magasins du coin. Je crois qu’il s’agit surtout d’une question de priorité. Les jeunes préfèrent dépenser leur argent dans des jeux vidéo ou les téléphones portables. En revanche, les gens auparavant occupés à travailler ou à élever une famille ont désormais le temps de se consacrer à leurs passions ou leurs hobbies.
Quelle est la philosophie de Tokyu Hands ?
F. K. : Tokyu Hands est Tokyu Hands parce qu’il est très différent de tous les autres magasins. J’ai conscience que ce slogan n’a pas beaucoup de sens, mais en même temps, ne pas pouvoir résumer notre activité en une seule phrase n’est pas très bon pour les affaires. Disons que notre objectif est de rendre la vie plus agréable. Nous avons mis sur pied un système de “vente conseil” grâce auquel nous conseillons nos clients sur la meilleure façon d’utiliser les produits. Les gens peuvent désormais obtenir tout type d’informations sur Internet et nous disposons d’une boutique en ligne de sorte qu’il n’est pas nécessaire de sortir de chez vous pour obtenir ce que vous voulez. Cependant, nous croyons que la meilleure façon de tirer profit de votre expérience d’achat est de vous rendre dans notre magasin, de toucher le produit et de bénéficier de notre expertise.
Propos recueillis par Gianni Simone