Inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco, il y a 10 ans, les sentiers de Kumano réservent bien des surprises.
Tout peut commencer au mont Kôya (Kôyasan) au sommet duquel se trouve un complexe de quelques 120 temples et monastères bouddhiques initiés en 816 par le célèbre moine Kûkai, fondateur du bouddhisme Shingon, l’un des principaux courants de cette religion dans l’archipel. De cet endroit sacré que l’on atteint en train en environ deux heures au départ d’Ôsaka et qui vaut que l’on y passe au moins deux jours dont une nuit dans un des monastères (shukubô) pour goûter la fameuse cuisine végétarienne (shôjin ryôri), il est possible d’emprunter l’un des chemins de pèlerinage (Kumano kodô) pour rejoindre différents autres sites sacrés situés au sud de la péninsule de Kii, dans la préfecture de Wakayama. Il y a tout juste dix ans, ces sentiers, qui ont vu passer des centaines de milliers de pèlerins depuis plus de 1000 ans, ont été enregistrés sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco comme faisant partie des “Sites sacrés et chemins de pèlerinage dans les Monts Kii”. Cette inscription leur a permis de connaître une plus grande notoriété au-delà des frontières du pays, mais a surtout incité les autorités locales et nationales d’en assurer l’entretien pour certains et la réhabilitation pour d’autres. Il est donc possible de suivre l’une de ses routes et pénétrer dans un univers pour le moins extraordinaire composé de paysages magnifiques et de rencontres atypiques. Elles sont plus ou moins faciles en fonction des difficultés du relief, mais chacun pourra trouver celle qui lui convient le mieux. Dans tous les cas, les chemins sont aujourd’hui très bien balisés et les cartes mises à disposition des touristes permettent d’imaginer des itinéraires adaptés à ses envies et à ses capacités physiques.
Plusieurs routes composent le fameux réseau de Kumano kodô. Kohechi, celle qui relie le mont Kôya à Kumano Sanzan (les trois sanctuaires sacrés) au sud-est de la péninsule de Kii, en coupant cette dernière par son centre, est sans doute l’une des plus difficiles. Longue de 70 km, elle se caractérise par des sentiers parfois abrupts et des cols à plus de 1000 m, ce qui demande une excellente préparation. Pas besoin d’être un as de l’escalade, mais il ne s’agit pas d’une marche tranquille d’autant que les premiers vingt kilomètres se font dans une région isolée. Mais vos efforts seront récompensés par une traversée de lieux fantastiques qui donnent toute sa dimension mystique au pèlerinage entrepris, il y a tant de siècles, par ceux qui pratiquaient de rigoureux rites religieux. Située à un peu plus à l’est, la route d’Ômine Okugake relie le sud de Nara à Kumano Sanzan. La légende dit que cette route aurait été ouverte par En no gyôja, fondateur du shugendô, une pratique spirituelle où la relation entre l’homme et la nature est primordiale. Quand on marche au milieu de ces sentiers, on comprend pourquoi les pèlerins attachent tant d’importance au lien avec la nature. Aussi ardu que le Kohechi, l’Ômine Okugake se caractérise aussi par ses 75 étapes (nabiki) où les pèlerins effectuaient leurs rites. L’une des plus célèbres est Misen où En no gyôja accomplissait, dit-on, l’ascèse.
Si l’on est peu entraîné à faire des efforts dans un environnement naturel exigeant, il vaut mieux opter pour d’autres routes moins difficiles. La première d’entre elles est Nakahechi, le chemin central, qui part de Tanabe, sur la côte ouest de la péninsule, vers les principaux sanctuaires de la côte est, en traversant les montagnes. Ce sentier est très connu, car il est emprunté par la famille impériale, ce qui explique en grande partie pourquoi on trouve tout au long de son parcours de nombreuses auberges qui rendent le périple des plus agréables. Moins physique que les deux précédents, il est parfaitement adapté pour les personnes qui souhaitent accomplir une randonnée de plusieurs jours (3 ou 4 jours). Le point de départ est situé au Centre des chemins sacrés de Kumano (Kumano Kodô Kan) situé à Takijiri, à une quarantaine de minutes en bus de la gare de Tanabe. Le premier bus quitte la gare à 6h24, le dernier à 20h40.
Créé après l’enregistrement au Patrimoine de l’Unesco, cet établissement offre à la fois toutes les informations nécessaires pour bien entreprendre son voyage à pied, mais aussi une boutique où vous pourrez trouver les équipements indispensables au pèlerin du XXIe siècle. Ôhechi est une autre route au départ de Tanabe vers Kumano Sanzan (120 km). Sa particularité est de longer la côte méridionale de la péninsule de Kii, offrant aux amateurs de vues sur la mer de fantastiques souvenirs et de mémorables clichés, notamment au moment du lever ou du coucher du soleil. Kushimoto propose un panorama magnifique.
Elle est entrée dans l’histoire après le naufrage de la frégate turque Ertugrul en septembre 1890 au cours duquel la population locale s’est illustrée pour secourir les marins. Considéré comme l’acte fondateur de l’amitié entre les deux pays, cet événement a donné naissance à un musée turc (250 yens, 9h-17h). La dernière route est aussi la plus longue avec ses 170 kilomètres entre le sanctuaire d’Ise et Kumano Sanzan. Iseji longe la côte orientale de la péninsule de Kii. Elle se caractérise par ses nombreuses portions pavées et la variété des paysages qu’elle traverse. C’est sans doute la plus complète de ce point de vue.
Bien entendu, vous n’êtes pas obligé de suivre l’intégralité des différents chemins sacrés d’autant qu’ils ne sont pas encore tous accessibles au touriste lambda. Le balisage est bien présent, mais certains passages n’ont pas été entretenus pendant des décennies, nécessitant des travaux qui sont réalisés progressivement depuis l’inscription au Patrimoine mondial. C’est l’un de ses effets positifs. Un réseau de bus permet au visiteur de suivre une portion donnée de chacun des sentiers et de faire une belle ballade au milieu des forêts et des montagnes de cette magnifique région. Par exemple, sur la Nakahechi, on peut par exemple se contenter de relier Hosshinmon-ôji au Kumano Hongû Taisha, une marche d’environ 7 kilomètres à travers des sentiers forestiers et des passages pavés. Cela donne une excellente idée du type de paysages rencontrés par les pèlerins qui faisaient le périple sur toute sa longueur. Ces derniers entreprenaient ce pèlerinage pour atteindre les trois grands sanctuaires (Kumano Sanzan) : Kumano Hongu Taisha, Kumano Nachi Taisha et Kumano Hayatama Taisha. Situé à l’origine au bord des rivières Kumano et Otonashi, le premier a été déplacé sur des hauteurs après la crue de 1889. Sur son site initial, Oyunohara, on a construit un torii géant que l’on aperçoit des sentiers. Kumano Nachi Taisha est célèbre pour sa chute d’eau de 133 m de hauteur qui est à l’origine du sanctuaire. Le dernier est situé à l’embouchure de la rivière Kumano où se déroule, le 16 octobre chaque année, la fête Mifune Matsuri au cours de laquelle des jeunes gens de la région font une course de bateaux à rames jusqu’à l’île de Mifune. Rassurez-vous, après toute cette marche, vous n’aurez pas à ramer.
Gabriel Bernard
Infos Pratiques :
Pour s’y rendre Au départ de Shin-Ôsaka, il faut environ 4 heures de train pour se rendre à Shingû. C’est le meilleur point de départ pour découvrir les trois grands sanctuaires (Kumano Sanzan) en bus. Si vous souhaitez effectuer une longue randonnée, rendez-vous à Tanabe (2 heures au départ de Shin-Ôsaka). Prenez ensuite le bus jusqu’à Takijiri (40 mn environ) où vous trouverez le Kumano Kodô Kan, le centre d’information des chemins sacrés. Les plus ambitieux peuvent partir du mont Kôya par la Kohechi. Au départ d’Ôsaka, empruntez la ligne Nankai à Nanba jusqu’à Gokurakubashi (80 mn) au pied du mont Kôya.