En mettant en correspondance le travail de Sei Shônagon et Hokusai, Citadelles & Mazenod nous fait un beau cadeau.
L’année qui s’achève aura assurément été celle de Hokusai en France. L’extraordinaire exposition qui lui est consacrée au Grand Palais de Paris (voir Zoom Japon, numéro 45) fermera ses portes dans quelques semaines, le 18 janvier. Pour celles et ceux qui veulent prolonger leur plaisir ou bien faire un joli cadeau à des proches qui n’auraient pas eu la chance de s’y rendre, outre l’excellent catalogue publié par la Réunion des musées nationaux, il existe une merveilleuse alternative proposée par l’éditeur Citadelles & Mazenod.
Ce dernier a choisi d’éditer un magnifique ouvrage dans lequel les amateurs du maître de l’estampe trouveront leur bonheur et ceux qui veulent découvrir l’un des monuments de la littérature japonaise en auront pour leur argent. En effet, les œuvres de Hokusai empruntées à plusieurs grands musées internationaux côtoient les Notes de chevet de Sei Shônagon dans la traduction et adaptation d’André Beaujard qui fait autorité depuis 80 ans. Quel plaisir de pouvoir posséder un livre de cette qualité grâce auquel on prend un réel plaisir à lire un texte vieux de 1000 ans et à voir à quel point Hokusai possédait un talent extraordinaire. En outre, la maison d’édition française a choisi de relier les pages à la japonaise, c’est-à-dire de les coudre entre elles d’un beau fil rouge qui réhausse de belle manière l’ensemble. Le rendu est étonnant et cette qualité au niveau éditorial justifie amplement le prix relativement élevé de cette édition (179 euros). On est loin bien sûr de l’édition de poche publiée par Gallimard dans sa collection Connaissance de l’Orient (même traduction), mais c’est incomparable. Ce que Citadelles et Mazenod met sur le marché, c’est une quasi œuvre d’art et elle doit être comprise comme telle pour justifier son coût.
En 2007, un autre éditeur français, Diane de Selliers, avait publié une remarquable édition du Dit du Genji illustré par la peinture traditionnelle japonaise, montrant qu’une œuvre de cette qualité méritait de bénéficier d’un traitement particulier. Depuis cette date, les trois volumes sont épuisés et beaucoup regrettent de ne pas avoir eu la possibilité de se les procurer au moment de leur sortie. Aussi ne manquez pas cette nouvelle opportunité avec les Notes de chevet de Sei Shônagon. Les deux œuvres sont des références de la littérature japonaise, offrant un regard profond sur le Japon ancien. Le seul regret que l’on peut avoir pour la présente édition du chef-d’œuvre écrit par la dame d’honneur de la princesse, puis impératrice Sadako, est le choix de l’éditeur de raccourcir un peu le texte pour maintenir l’équilibre entre l’écrit et les images. Très clairement, c’est le travail de Hokusai qui s’impose au regard des lecteurs. Dès la page titre, on découvre un détail montrant Sei Shônagon en train de composer son chef-d’œuvre et on comprend l’intérêt de proposer une sorte de dialogue entre les deux artistes par le biais de leurs œuvres respectives. Comme l’écrit avec justesse Geneviève Rudolf dans le texte d’introduction qui accompagne l’ouvrage, “l’acuité de leur regard, si simple que soient les choses ou les êtres qu’ils dépeignent, tient à un goût profond de la beauté, qui leur donne une extraordinaire réceptivité au monde”. Plus on avance dans la lecture de l’ouvrage, plus on se laisse envahir par l’émotion qui se dégage de cette complicité involontaire et anachronique dans la mesure où sept siècles séparent les deux artistes. Mais qu’importe. Ce qui compte, c’est de profiter de l’instant qui s’offre à nous. Ne le manquez pas.
Gabriel Bernard
Références :
Notes de chevet illustrées par Hokusai, de Sei Shônagon, traduction et adaptation d’André Beaujard, éd. Citadelles et Mazenod, 179 €.
352 pages. Reliure japonaise en tissu sous boîtier contenant 300 illustrations couleur de Hokusai.