Les parents d’une jeune enseignante américaine décédée en mars 2011 perpétuent sa mémoire et sa passion.
Dans les écoles de l’archipel, des assistants d’origine étrangère, anglophones pour la plupart, sont chargés d’enseigner les langues étrangères. On les appelle “ALT”, abréviation de “Assistant Language Teacher” (assistant-enseignant de langue). Désignés par le comité d’enseignants de chaque municipalité, leur mission est d’améliorer la prononciation des élèves et d’apporter une ouverture sur l’international. Il se trouve qu’une de ces jeunes enseignantes ALT qui travaillait à Ishinomaki a été retrouvée morte, emportée par le tsunami lors du séisme du 11 mars 2011.
Cette jeune femme aimait beaucoup les livres et les enfants. Pour honorer sa mémoire et sa passion, ses parents et amis ont décidé de rassembler une collection de livres pour les offrir aux écoles de la ville d’Ishinomaki. Ces ouvrages sont aussi bien écrits en japonais qu’en anglais. Grâce à la lecture, les enfants racontent et imaginent leur avenir. “On aime bien lire. Un jour, on ira à l’étranger et on parlera bien l’anglais”, raconte l’un d’entre eux.
Cette enseignante, originaire de Virginie aux Etats-Unis, s’appelait Taylor Anderson. Elle était âgée de 24 ans lors du séisme. Arrivée au Japon en juillet 2008 après avoir terminé ses études universitaires, elle voulait “devenir une courroie de transmission entre les cultures japonaise et américaine”. Elle enseignait l’anglais dans les écoles primaires et les collèges de la ville. Les enfants avaient toujours bien apprécié son entrain et elle avait su tisser de nombreux liens avec les habitants en participant à de nombreuses activités communautaires.
Le jour du séisme, elle travaillait à l’école primaire de Mangoku-ura qui se trouve sur le littoral. Elle avait essayé de calmer les enfants en pleurs suite à la grande secousse avant de les confier à leurs parents venus les chercher. Ensuite, elle avait accompagné jusqu’à un endroit sécurisé les autres enfants dont les parents n’étaient pas venus. Une fois assurée qu’il ne restait plus personne dans l’école, elle avait pris son vélo pour rentrer et c’est sur le chemin du retour qu’elle a été surprise par un puissant tsunami.
Taylor Anderson projetait de rentrer aux Etats-Unis pour se marier. Portée disparue au début, ses parents avaient toujours cru à sa survie, en pensant “qu’elle continuait à vivre quelque part”. Mais en retrouvant son corps, ils ont dû accepter la mort de leur fille. Longtemps plongés dans une profonde tristesse, ils ont voulu aider la ville d’Ishinomaki tant appréciée par leur fille, surtout ces enfants à qui Taylor avait enseigné et qui continuaient à étudier dans des conditions précaires dans une école dévastée par le tsunami. C’est pourquoi, à l’été 2011, quelques mois après le séisme, ils ont décidé d’offrir des livres à différents établissements scolaires.
Les parents de l’enseignante, avec l’aide du lycée St. Catherine’s School d’où Taylor était diplômée, ont collecté des fonds pour créer le Taylor Anderson Memorial Gift Fund. Ils ont alors commencé à envoyer des livres pour “la bibliothèque Taylor” et à proposer des bourses d’études pour les enfants sinistrés.
La première “bibliothèque Taylor” a été créée en septembre 2011 et une cérémonie a été organisée dans l’école primaire de Mangoku-ura et dans les autres écoles primaires et maternelles que fréquentait Taylor Anderson. Ses parents se sont rendus sur place pour y apporter une bibliothèque en bois muni de bancs, remplie d’ouvrages en japonais, de livres illustrés et de livres en anglais que leur fille aimait. En empruntant ces livres, les enfants nous ont raconté que “Taylor était très gentille et après les cours, elle venait nous parler en japonais. On a tous été choqués par sa mort”. “Je vais m’efforcer de bien apprendre l’anglais et pouvoir découvrir les livres en anglais qu’elle lisait quand elle était petite”, a ajouté l’un d’entre eux.
En décembre 2014, la dixième bibliothèque Taylor a été créée à l’Université Ishinomaki Senshu. “C’est un honneur d’accueillir la bibliothèque Taylor. Non seulement son engagement, mais aussi ses dernières volontés sont importants à respecter. Cette bibliothèque nous fera toujours penser à elle”, a déclaré le président de l’université, Sakata Takashi. “Pour Taylor, la lecture était une ouverture sur le monde dont elle rêvait. Nous sommes ravis que cette bibliothèque puisse aider des jeunes à réaliser leurs rêves à travers le monde”, lui a répondu le père de la jeune femme décédée.
Le fond de cette université a été inauguré le 11 mars 2015, quatre ans après le séisme. Les livres ont été offerts sous forme de coupons de lecture d’une valeur de 200 000 yens (1 400 euros), pour que l’on puisse acheter librement les livres et répondre aux besoins des étudiants. Comme les dix autres bibliothèques, les rayonnages ont été fabriqués par la menuiserie Mokuyuboku, de la ville de Higashi-Matsushima dont le PDG, M. Endo, a perdu trois de ses enfants lors du séisme. Deux d’entre eux étaient d’ailleurs des élèves de Taylor Anderson. Depuis la création du fond Taylor, il n’a cessé avec sa femme Ryôko, d’apporter son soutien à ce projet.
Hirai Michiko