A l’occasion de la sortie de Vers l’autre rive, une rétrospective de l’œuvre du cinéaste est organisée au Reflet Médicis, à Paris.
La famille ne correspond pas du tout à mon idée du cinéma. Je crois seulement au principe de la nature selon lequel tout homme est mortel, toute chose qui a une forme est amenée à disparaître un jour de ce monde. Et l’espoir que je traduis dans mes films est basé sur la reconnaissance de cette réalité.” Ces propos de Kurosawa Kiyoshi cités en introduction de l’excellente étude que Diane Arnaud lui a consacrée en 2007 (Kiyoshi Kurosawa, mémoire de la disparition, éd. Rouge profond, 20€) sont confirmés dans la dernière réalisation du cinéaste Vers l’autre rive (Kishibe no tabi) qui sortira sur les écrans français le 30 septembre. Présenté à Cannes dans la section Un certain regard, le film a obtenu le Prix de la mise en scène, récompense méritée pour cette histoire de fantômes qui, à la différence de ses premières œuvres, ne fait plus peur. Ce long-métrage marque une sorte d’aboutissement dans sa carrière entamée il y a déjà plus de 30 ans.
Depuis le succès de Shokuzai (2012), qui était à l’origine une mini-série télévisée pour la chaîne cryptée Wowow, Version originale Condor a décidé de suivre le travail du cinéaste comme un bon éditeur suit un écrivain auquel il croit. Jusque-là, l’œuvre de Kurosawa Kiyoshi nous arrivait au gré des modes sans nous permettre de vraiment comprendre comment elle avait évolué. A l’occasion de la sortie de Vers l’autre rive, le distributeur en collaboration avec le cinéma Reflet Médicis propose une rétrospective de ses films les plus marquants du 16 au 22 septembre. Une bonne opportunité pour ceux qui ne connaissent pas ses longs-métrages plus anciens de les découvrir grâce à des discussions menées par des spécialistes de son œuvre qui interviendront après chaque projection.
Il sera ainsi possible de voir ou revoir Kaïro (2000) avec le formidable Yakusho Kôji, l’acteur fétiche du cinéaste, qui l’a accompagné dans de nombreuses aventures cinématographiques. Dans cette œuvre comme dans beaucoup d’autres à l’instar de Tokyo Sonata (2008), sans doute le meilleur film japonais de ces 25 dernières années, le cinéaste profite de son histoire pour dresser un portrait sans fard de son pays en train de perdre son âme. C’est tout à fait flagrant avec ce drame où il décrit la déchéance d’un homme privé de travail qui n’existe plus aux yeux d’une société dont le comportement se résume à des migrations quotidiennes vers les gares pendant que les exclus s’inventent des existences sociales virtuelles ou finissent par se supprimer. Avec Charisma sorti en 1999, il avait abordé de façon déboussolante la prise de distance avec la réalité en exilant Yakusho Kôji dans une forêt où une étrange société s’est créée et se déchire. Il y a une volonté de frapper les esprits, de réveiller ses contemporains. Kurosawa Kiyoshi a le don de les entraîner dans des directions inattendues afin de les sortir de leur petit confort. Shokuzai participe de cette approche en brassant une nouvelle fois les genres. Le film policier se transforme par moments en film fantastique et offre un regard parfois glaçant sur les rapports humains. C’est peut-être pour cette raison qu’il tourne ensuite Real (2013), une romance fantastique qui permet au cinéaste de se montrer plus optimiste. Vers l’autre rive s’impose comme une synthèse de l’ensemble de son œuvre.
Gabriel Bernard
Infos pratiques :
Rétrospective Kurosawa du 16 au 22 septembre
au Reflet Médicis, 3, rue Champollion, 75005 Paris. Réservations à compter du 14 septembre.