En adaptant avec brio Le Cœur régulier d’Olivier Adam, Vanja D’Alcantara porte un regard plein d’amour sur le Japon.
Vanja D’Alcantara en rêvait. La cinéaste belge a fini par réaliser son rêve, celui de tourner au Japon, pays avec lequel elle entretient depuis de nombreuses années une véritable passion. La cinéaste belge signe avec Le Cœur régulier une belle adaptation du roman éponyme d’Olivier Adam qui lui permet de filmer ce pays qu’elle apprécie tant. L’occasion pour elle d’expérimenter le travail avec une équipe en partie japonaise. Une expérience riche à bien des égards dont elle a bien voulu nous parler lors d’un entretien réalisé quelques semaines avant la sortie nationale à laquelle Zoom Japon est associée.
Qu’est-ce qui vous a conduit à adapter le roman d’Olivier Adam ?
Vanja D’Alcantara : Ma réponse est simple : c’est le Japon. Depuis toujours, je savais que je voulais aller dans ce pays qui m’attire depuis longtemps. Sa littérature, son cinéma et le manga ont exercé sur moi une véritable fascination. Néanmoins, je ne pouvais pas imaginer m’y rendre sans avoir un projet dans mes valises. Aussi, je me suis interdit d’y aller tant que je ne trouverai pas un sujet. Puis un jour, j’ai entendu parler du fameux Shige Yukio, le “sauveur des falaises”. Ce policier à la retraite a empêché au cours de la dernière décennie le suicide de quelque 500 personnes qui voulaient se jeter des falaises de Tôjinbô, dans la préfecture de Fukui, à l’ouest de l’archipel. Puis, un peu plus tard et tout à fait par hasard, je suis tombé sur le roman d’Olivier Adam. C’est un peu comme si mon désir de Japon m’avait mis sur le chemin du roman. Du coup, ce livre m’a donné un point de vue sur l’histoire qui m’est apparu plus légitime que si j’avais pris Shige Yukio comme personnage principal d’un film. De toute façon, j’avais le sentiment de ne pas avoir la légitimité, en tant que non Japonaise, de filmer l’histoire de cet homme extraordinaire. Le roman m’offrait un point de vue occidental sur l’histoire et m’ouvrait la voie vers le Japon. Mon premier voyage a donc consisté à aller rencontrer Shige Yukio au pied des falaises et de prendre contact avec des gens qui le connaissaient. Cela m’a permis de faire mon premier pèlerinage là-bas et de sillonner une bonne partie du Japon, jusqu’à Kyûshû. J’avais pris le Japan Rail Pass et pendant trois semaines, je suis allée de ville en ville.
A quel moment a eu lieu cette première rencontre concrète avec le Japon ?
V. D. : En 2011, juste avant le tsunami. Je suis rentrée en Europe, deux jours avant la catastrophe. J’y suis retournée quelques mois plus tard pour participer à un festival où mon film précédent était présenté avant de me lancer dans le projet du Cœur régulier. Les voyages que j’ai accomplis pour préparer ce nouveau long métrage m’ont mené de plus en plus loin, dans des endroits de plus en plus reculés pour finir dans une région où personne ne va presque plus : la préfecture de Shimane (voir p. 6). Une fois là-bas, on m’a conseillé les îles Oki (voir Zoom Japon, n°50, mai 2015) alors que même pour les personnes qui me les présentaient, il s’agissait du bout du monde.
Qu’est-ce qui vous séduit dans ces îles ?
V. D. : Leur côté sauvage. A la différence d’autres régions qui bordent aussi la mer du Japon, où on trouve toujours des zones urbanisées, dans ces îles il n’y a presque rien et le temps semble s’être arrêté aux années 1950. C’est très impressionnant, car ce n’est pas ce qu’on attend du Japon. Ça a été un véritable coup de cœur. Et puis, il y a eu ce projet fou d’y retourner cette fois avec toute l’équipe, acteurs et techniciens, pour y tourner en grande partie le film.