Il n’est donc pas étonnant que le premier lieu à visiter lorsqu’on débarque sur Taketomi soit le Takidun dont la mission est de rappeler l’histoire et les traditions de l’île sans oublier de mettre en avant la solidarité locale, fondement important de son refus d’être “colonisé” par des touristes qui voudraient imposer un rythme qui n’est pas le sien. C’est la raison pour laquelle les habitants de Taketomi ont accepté que le groupe Hoshino Resorts s’y implante et y installe un complexe hôtelier : Hoshinoya Taketomijima. Dans la classification de cette entreprise, le Hoshinoya se situe au sommet et s’adresse à une clientèle à la fois exigeante en matière de confort, mais aussi désireuse de plonger dans un univers en harmonie avec le lieu. Hoshino Yoshiharu, le PDG de ce groupe en pleine expansion, en a fait la philosophie de sa stratégie de développement. “Jusqu’à présent, les différentes régions du pays voulaient ressembler à Tôkyô. Se faisant, elles ont fini par détruire leur culture locale, y compris leur dialecte”, regrette-t-il. C’est pourquoi, il s’est donné pour mission de favoriser un tourisme qui s’intègre parfaitement dans le cadre local et respecte ses traditions, convaincu que la nouvelle génération de touristes souhaite avant tout se retrouver dans un univers privilégiant l’authenticité. Son expérience et ses réussites dans d’autres régions du Japon lui ont permis de convaincre les habitants de Taketomi d’accepter la construction de ce qui s’apparente plus à un village qu’à un complexe hôtelier.
Outre la volonté de respecter l’environnement, le principal objectif de cet établissement est d’amener sa clientèle à se laisser transporter le temps de leur séjour dans le quotidien d’une île qui a renoncé à tous les inconvénients de la vie moderne et qui défend ses traditions avec force. Implantées au bord de l’océan, les 48 “villas” qui composent le Hoshinoya Taketomijima respectent l’architecture régionale avec la présence de murs gukku (mur de corail) qui protègent les bâtiments des vents, du hinpun, muret placé à l’entrée de chaque maison pour empêcher les mauvais esprits d’y pénétrer et du shiisa, petite sculpture à mi-chemin entre le lion et le chien que l’on retrouve sur le toit des maisons pour en assurer la protection. Comme dans le village, les rues du complexe Hoshinoya sont en sable et entretenues de la même manière afin de mettre les gens de passage dans l’ambiance. La plupart des activités proposées ont pour ambition de promouvoir la tradition locale sur le plan culinaire comme sur celui des activités culturelles.
Ils sont d’ailleurs invités à découvrir le village de Taketomi lors d’une promenade à bord d’un chariot tiré par un buffle pendant que le conducteur vous raconte son histoire et vous chante des airs accompagné de son sanshin dont les notes envahissent les ruelles silencieuses du village. N’allez pas croire pour autant que le silence est synonyme d’ennui et que Taketomi n’est finalement qu’un trou perdu à l’extrême sud du Japon. Les quelque 320 habitants de l’île savent faire du bruit et organisent chaque année une vingtaine de matsuri (voir Zoom Japon n°52, juillet 2015) dont le plus important, Tanadoui, se déroule sur une dizaine de jours au mois d’octobre et implique toute la population. Sa notoriété a largement dépassé les limites de l’île et il attire de nombreux visiteurs, y compris des célébrités qui veulent participer à ce moment où les habitants défendent joyeusement leurs traditions.
Cette volonté de partage, on la retrouve également au Taketomi Mingeikan, petit musée où l’on peut découvrir et s’initier aux techniques de tissage sous la houlette de Shimanaka Yumiko, intarissable sur le minsa, motif qui ornait traditionnellement les ceintures de certains kimonos fabriqués à Ishigaki. Le terme est dérivé du mot mensa qui désignait une petite bande de coton. Le minsa de Taketomi remonte au XVIIe siècle. Il est lié aux demandes en mariage auxquelles les femmes répondaient en offrant cette bande de tissu sur laquelle figuraient les motifs composés de 5 et 4 petits rectangles, sorte de rébus signifiant “itsu (5) no yo (4) mademo” (je t’aime pour toujours). Pour éviter que cette tradition du tissage ne se perde, les habitants se retrouvent régulièrement dans ce musée-atelier où ils produisent artisanalement des objets en tissu reprenant ce motif dont certains sont réalisés exclusivement pour Hoshinoya qui contribue ainsi à préserver un savoir-faire local. De la même façon, il accueille chaque jour des musiciens locaux qui viennent entonner des airs du folklore local avec leur sanshin.
Chacun y trouve son compte. La population de Taketomi profite des retombées économiques de la présence des touristes sans en subir les effets négatifs. De leur côté, les visiteurs ont le plaisir de découvrir un lieu enchanteur et préservé qui leur ouvre les portes de sa culture avec chaleur. Le sens de l’accueil – omotenashi – est une grande qualité des Japonais, mais à Taketomi, il est encore à un niveau supérieur dans la mesure où l’on ne se sent plus étranger au lieu. C’est un sentiment merveilleux qui contribue à rendre le séjour si agréable. On finit par oublier l’existence de la belle plage de sable blanc, Kondoi, à l’ouest pour continuer à flâner (à pied ou à bicyclette) dans ce village plein de charme. Plusieurs petits cafés et restaurants proposent également de goûter la cuisine okinawaise comme le Takenoko pour ses nouilles, le Garden Asahi ou le Taruriya pour ses bières. Et pour peu que le ciel soit dégagé et que vous soyez d’humeur romantique, ne manquez pas de vous rendre au Nishisanbashi pour assister à un extraordinaire coucher de soleil. Et lorsque l’heure du départ a sonné, on regrette de devoir quitter ce lieu magique et chaleureux, mais on se promet d’y revenir très vite.
Odaira Namihei
S’Y rendre
Au départ de Tôkyô ou des grandes villes du japon, plusieurs vols quotidiens desservent l’aéroport d’Ishigaki. Il faut compter un peu plus de trois heures de vol. Compter ensuite une vingtaine de minutes jusqu’au terminal portuaire. De là, il faut emprunter un ferry (1 100 yens) jusqu’à Taketomi.
Hoshinoya Taketomijima dispose d’une navette jusqu’à son établissement. Pour y réserver un séjour, tél. 050-3786-0066 (8h-21h, en anglais) ou directement sur le site http://hoshinoyataketomijima.com/en/