Partis tenter l’aventure ailleurs, ils sont nombreux à revenir dans leur ville natale pour participer à sa renaissance.
Dans la région d’Ishinomaki dévastée par le séisme, il y a ceux qui l’ont quittée après avoir tout perdu. Mais il y a aussi ceux qui y reviennent pour faire revivre et développer leur région meurtrie. Ce phénomène baptisé “U-Turn” (demi-tour) marque le retour des gens qui regagne leur ville natale pour y travailler.
Après avoir acquis ailleurs différents savoir-faire, ils profitent de leur retour pour réaliser leur rêve en créant de nouveaux projets professionnels et en tissant de nouveaux liens entre les gens. Nous avons enquêté sur ces jeunes pour qui l’attachement au pays natal est une source de dynamisme pour toute la région.
C’est la cas de Suzuki Kimiko. Originaire du quartier d’Inai à Ishinomaki, cette jeune femme de 31 ans est revenue au printemps 2015 après un séjour de plusieurs années à Tôkyô. Elle travaille actuellement au sein de l’association Hamanone (la racine de la plage) dans le quartier de Momonoura dont le but est de reconstruire la péninsule d’Ojika. Tout en s’occupant de la galerie gérée par cette organisation, Kimiko continue à dessiner.
A sa sortie du lycée pour filles d’Ishinomaki (actuellement le lycée Sakurazaka), elle a poursuivi ses études de dessin dans une école privée à Sendai, où elle a pu utiliser son talent pour effectuer quelques petits boulots. A 24 ans, un déclic s’est opéré quand ses parents l’ont encouragée à parfaire sa formation de dessinatrice à dans la capiatle. Elle a ainsi quitté sa région natale.
Lors du séisme diu 11 mars 2011, la maison de ses parents a été à moitié détruite. Immédiatement, elle a voulu rentrer, mais ses parents lui ont déconseillé. “Certains ont perdu la vie sans pouvoir réaliser leur rêve. Alors, toi, si tu as encore un rêve, tu te dois de persévérer”, lui ont-il dit pour justifier leur position. Ces paroles l’ont encouragé à réaliser sa première exposition personnelle. Par ala suite, elle a multiplié les occasions de présenter ses œuvres.
Il se trouve qu’à la fin 2014, Hamanone lui a fait une proposition en rapport avec les chevreuils de la péninsule d’Ojika (chevreuil en japonais). Très motivée par ce projet, Kimiko s’est décidée à faire son retour. “Non seulement je suis là pour la région, mais je peux également continuer à dessiner”, se réjouit-elle. Si, juste après la catastrophe, elle a hésité à revenir, elle se sent aujourd’hui soulagée d’être revenue.
Une partie de son travail concerne le dessin. “A Ishinomaki, j’ai trouvé qu’il manquait d’événements culturels. Mon rêve est que les gens se familiarisent au dessin et à la peinture par le biais de l’environnement”, explique-t-elle. Jusqu’à présent, elle n’avait jamais trop réfléchi sur les raisons de son attachement à la région. Mais tout est désormais clair dans sa tête. “On y mange bien. On progresse tous ensemble et on rencontre plein de personnes intéressantes. C’est un bonheur de pouvoir dessiner à Ishinomaki, tout en vivant avec ma famille”, lance-t-elle avec un sourire.
En travaillant à Tôkyô, dans différents bistrots, restaurants japonais, italiens et autres établissements, Suzuki Takaya a appris de nombreuses recettes de cuisine. Elevé dans le quartier d’Aobahigashi, ce jeune de 30 ans est revenu à Ishinomaki à l’automne 2014 pour y ouvrir, quelques mois plus tard, son restaurant baptisé Ishinomaki Bar – Datcha dans le quartier de Tatemachi. Situé dans une petite ruelle, ce lieu à l’atmosphère unique attire une nouvelle clientèle de jeunes en quête de nouveauté.
A sa sortie du lycée d’Ishinomaki, Takaya a consacré la plupart de son temps à des activités musicales. Il gagnait alors sa vie en travaillant dans un restaurant chinois. Pour réaliser son rêve et devenir musicien professionnel, il est parti à Tôkyô et a formé son propre groupe. Mais pour subvenir à ses besoins, il a dû continuer à travailler dans différents restaurants. Comme il refusait de bosser pour de grandes chaînes de restauration, il a choisi des établissements dont les profils culinaires étaient originaux. Au fil des mois, il a pu ainsi enrichir sa palette et se doter d’un grand savoir-faire culinaire.
En dépit de ses nombreux concerts, son groupe n’a pas réussi à percer. Ses albums n’ont pas rencontré le succès, malgré une bonne distribution partout au Japon. Les quatre membres du groupe ont dû se séparer pour suivre chacun leur chemin. Takaya a alors fait le choix d’ouvrir un restaurant en restant à Tôkyô. “Mais l’acquisition d’un local allait me coûter des millions de yens. A Ishinomaki en pleine reconstruction, je me suis dit que je pourrai trouver un local plus facilement”, raconte-t-il. C’est ce qui l’a décidé à revenir dans sa ville natale.
Désireux de jouer sur le côté très populaire des petites ruelles, Takaya a trouvé un local, dans le quartier de Tatemachi, lequel correspondait à cette ambiance. “Si les passants sont attirés par un tel lieu, c’est un bon déclic. Après c’est à moi de mettre en avant mon talent de cuisinier”, affirme-t-il avec confiance. Il n’entend pas se contenter de rester à Ishinomaki. Son objectif est d’ouvrir une dizaine d’établissements dans les villes d’Onagawa, Kesennuma et même à Tôkyô !
Takaya cogite sa tactique de conquête tout en solidifiant sa base financière. “Où que l’on soit, l’important c’est de savoir ce qu’on veut vraiment. A Tôkyô, la chance peut vous sourire plusieurs milliers de fois plus qu’à Ishinomaki, mais la concurrence est très, très dure. Finalement, il est plus probable de réussir à Ishinomaki qu’à Tôkyô”, reconnaît-il. Dans sa ville qu’il connaît bien, le jeune homme peut s’organiser et bien préparer l’avenir. C’est le début d’un plus grand défi.
Ishinomaki 2.0, l’organisme qui œuvre pour la reconstruction de la ville, a lancé un plan d’aide aux réaménagements des maisons vacantes. Son directeur, Matsumura Gota souligne la nécessité pour les habitants de faire preuve d’ouverture d’esprit pour accueillir non seulement les personnes concernées par le phénomène du “U-Turn”, mais également les nouveaux arrivants. “Après le séisme, de nombreuses associations sont venues à Ishinomaki, avec leur savoir-faire, leurs expériences et leurs ressources humaines. Elles ont accepté les autres à bras ouverts. Grâce à ce travail, cela ne peut qu’encourager tous les personnes qui souhaitent faire leur retour dans une ville qui en a bien besoin”, insiste-t-il.
Avec une telle envie d’accueillir ceux qui reviennent et ceux qui viennent tenter leur chance, notre ville continuera de vivre. A Ishinomaki, nombreux sont ceux et celles qui regorgent de rêves et d’espoir.
Ishimori Hiroshi
Nous avons entamé depuis plusieurs mois la publication d’une série d’articles rédigés par l’équipe de l’Ishinomaki Hibi Shimbun dans le but d’informer les lecteurs sur la situation dans l’une des villes les plus sinistrées par le séisme du 11 mars 2011. Malgré ses difficultés, ce quotidien local continue à enquêter et à apporter chaque jour son lot d’informations. Si vous voulez le soutenir dans sa tâche, vous pouvez vous abonner à sa version électronique pour 1 000 yens (moins de 7 euros) par mois :
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