Jouerez-vous un jour dans l’un de vos films ?
I. S. : Non, je ne crois pas. Je crois que ce serait trop compliqué (rires).
Environ une décennie sépare Hana & Alice et Hana & Alice mènent l’enquête. Comment ce second film est né ?
I. S. : En fait, l’idée de faire un second film était déjà là il y a dix ans. Comme je vous l’ai dit, je voulais devenir mangaka et même contribuer à Shônen Magazine. Aussi l’idée de réaliser un film d’animation s’est imposée d’elle-même. Mais pour un certain nombre de raisons, je n’ai pas pu le faire plus tôt. J’ai mis l’idée de côté et attendu qu’une opportunité se présente. En fin de compte, je pense que j’ai bien fait. Il y a dix ans, je pense que je n’aurais pas été en mesure d’aborder un tel projet. En fait, j’ai passé toutes ces années à me former comme l’aurait fait un mangaka. J’ai affiné mes compétences en dessin, réalisant moi-même les storyboards de mes autres films. Par ailleurs, je ne savais rien de la complexité du travail d’équipe lié à un film d’animation. Je suis donc allé au Studio Ghibli pour les observer. J’ai ensuite découvert la rotoscopie. J’ai compris que c’était une bonne approche de l’animation pour moi parce que c’est une méthode hybride qui mêle tournage en direct, modélisation 3D et dessin à la main. Au lieu de commencer par la modélisation ou le dessin 3D pour lesquels je n’avais aucune expérience, j’ai pu d’abord tourner les scènes comme je le faisais pour mes autres films, puis dessiner sur les images les unes après les autres.
Quel est l’attrait de l’animation par rapport à un film en prise de vue réelle ?
I. S. : De toute évidence, c’est quelque chose que vous ne pouvez pas faire si vous n’aimez pas le manga ni le dessin. Moi, j’adore ça. Mais dans l’animation, il faut passer une autre étape dans la mesure où vous filmez une série de dessins dans une séquence en mouvement. Pour obtenir un bon résultat, il faut être constamment bon dans votre technique de dessin. C’est quelque chose qui m’a vraiment époustouflé. Le fait d’avoir tous ces gens produisant un dessin à la fois, et de voir ensuite la chose prendre vie a été une expérience vraiment émouvante. Si j’en ai la possibilité, c’est une expérience que j’aimerais reproduire. Malheureusement, au Japon il n’y a pas vraiment de public pour ce genre d’animation. Les gens ne veulent que le genre otaku de l’anime avec des filles stéréotypées ou des dessins animés venus de la télévision comme Crayon Shinchan et Doraemon. La seule exception était le Studio Ghibli, mais il a cessé ses activités.
C’est vous qui écrivez la musique de vos films depuis 2002, mais même avant vous aviez une relation étroite avec le monde de la musique. Vous avez demandé par exemple à des chanteurs de jouer dans vos films, lancé des projets dans la musique, et réalisé de nombreuses vidéos musicales.
I. S. : C’est vrai, mais quand vous tournez un clip vidéo, la musique est déjà là et vous ne pouvez pas y toucher. Vous n’êtes pas libre de faire ce que vous voulez. Cela revient à faire un film muet et ça peut être très stressant. Cette question mise à part, c’est une façon d’être touché par quelque chose comme je le disais tout à l’heure. Je suis très curieux de nature, et quand j’aime vraiment quelque chose, j’ai souvent envie de l’essayer moi-même. Voilà comment j’ai commencé à écrire de la musique.
Pour revenir à l’animation, vous avez produit et écrit, en 2009, le script pour Baton de Kitamura Ryûhei. Est-ce que cette expérience a influencé votre travail pour Hana & Alice mènent l’enquête ?
I. S. : Oui, cela a constitué une étape importante dans le développement des compétences nécessaires à la réalisation de mon propre projet. Pour la première fois, nous avons utilisé la rotoscopie et nous nous sommes heurtés à un certain nombre de problèmes, surtout au fait que les visages des personnages étaient trop proches de la réalité et pas assez mignons. Dans le cas de Baton, cela n’a pas été un gros problème en raison de la nature même de l’histoire, mais pour Hana & Alice mènent l’enquête, je savais que nous devrions faire quelque chose à ce sujet. Travailler sur le projet de Kitamura Ryûhei m’a fait prendre conscience des problèmes que je serais amené à rencontrer plus tard avec mon propre film.
Puisque nous évoquons de jolis visages, comment se sont passées les retrouvailles avec Suzuki Ann et Aoi Yû après cette coupure de dix années ?
I. S. : Cela a été un peu bizarre parce que je n’avais pas l’impression que dix années s’étaient écoulées. Comme nous travaillions sur la même histoire, je pensais qu’une semaine s’était passée depuis le premier film. Cela dit, l’expérience a été très agréable et je suis heureux d’avoir eu la chance de travailler une nouvelle fois avec elles.
Propos recueillis par Jean Derome