Si les transports en commun de la capitale sont très pratiques, rien ne vaut une belle balade à bicyclette.
Le samedi matin, le quartier de Roppongi, à Tôkyô, est un endroit plutôt calme. Rien de plus normal puisqu’il s’agit de l’un des hauts lieux de la vie nocturne dans la capitale et qu’à ce moment-là de la journée, la plupart de ses habitués sont chez eux en train de dormir ou de se remettre d’une gueule de bois. Cependant à proximité d’Azabu, vous pouvez parfois voir un groupe coloré de cyclistes qui traînent devant l’Hôtel Grand Hyatt. Il s’agit des membres du club de cyclisme Half-Fast.
Lancé en 2003 par l’Américain Don Morton, le groupe basé à Tôkyô a rapidement attiré beaucoup d’amateurs de vélo et désireux de boire un coup ou de se faire de nouveaux amis. “D’une certaine façon, nous ressemblons davantage à un club social”, explique Don Morton. “Nous sommes ouverts à tout le monde, indépendamment de leur expérience du vélo ou de leur capacité en la matière. La langue de communication au sein du club est principalement l’anglais, mais il y a beaucoup de membres japonais aussi.”
L’amour du groupe pour le cyclisme et l’alcool est clairement exposé sur le col de leurs maillots colorés où l’on peut lire “Cervicia et Birote”, termes latins pour bière et bicyclette. “Nous avons un peu bricolé le terme pour le vélo puisqu’il n’avait pas encore été inventé quand le latin était parlé”, ajoute Don Morton avec un clin d’œil.
Le club organise différents circuits en fonction des personnes. Il y en a un de 30 à 40 km pour les débutants vers Haneda et Odaiba, un autre de 60 à 80 km de niveau moyen le long des rivières Tama et Arakawa et d’autres circuits plus longs pouvant aller jusqu’à 150 km. Le circuit débutant a lieu le samedi. Etant débutant moi-même, je suis arrivé un peu avant 11h avec le vélo de route que Morton m’a gracieusement prêté. Aujourd’hui, l’objectif est Odaiba, l’île artificielle située au milieu de la baie de Tôkyô.
“Tôkyô est sans doute la seule mégapole dans le monde où vous pouvez faire du vélo avec une certaine assurance”, souligne Don Morton. “Si vous êtes prudent, vous pouvez profiter de la ville assez facilement. La meilleure stratégie pour vous en sortir est de suivre le courant, aussi vite que vous le pouvez. A Tôkyô, c’est très facile. Vous allez en fait dépasser beaucoup de voitures parce que vous allez plus vite qu’elles. Le plus grand danger, ce sont les portes automatiques de taxi. C’est comme ça que la plupart des accidents se produisent.”
Selon lui, Tôkyô offre quelques belles balades à vélo étonnamment agréables qui ne manqueront pas d’intéresser et de divertir tout amateur de vélo et explorateur urbain. La course d’aujourd’hui, en particulier prend environ une heure dans chaque sens. Il y a quelques collines à passer et elle permet de découvrir une douzaine de facettes de la capitale. D’Azabu Juban, nous nous dirigeons vers la baie en passant à l’endroit où trois autoroutes aériennes se rencontrent. De là, nous allons vers Mita, en passant à proximité de la Tour de Tôkyô (voir Zoom Japon, n°3 de septembre 2010), sur notre gauche. La route ici est assez facile, même si elle se transforme, passant d’une large avenue à quatre voies à une deux voies, puis à une rue à sens unique. Finalement, nous atteignons les voies ferrées JR. Ici, nous prenons un petit passage souterrain réservé aux piétons et aux cyclistes pour traverser de l’autre côté.
Aujourd’hui, une dizaine de personnes participent au circuit. Parmi elles, le vétéran et webmaster Mike Sims-Williams qui, pendant la semaine, s’occupe des services de sécurité à l’ambassade britannique, mais consacre la plupart de ses week-end au vélo. “En 2005, j’ai eu un petit accident sur le chemin du travail qui m’a privé temporairement de ma moto. J’aurais pu prendre à la place le bus et le train, mais ça ne m’intéressait pas. J’ai donc sorti mon mountain bike et essayé de faire à vélo les 20 km qui séparent mon domicile à Kawasaki de mon bureau. Je me suis senti si bien ce jour-là que je fais désormais la navette presque tous les jours de cette manière. Je dispose même d’une modeste flotte de vélos”, confie-t-il.
Nous avons atteint le flanc gauche du magnifique Hama Rikyu, un grand jardin paysager situé face à la baie de Tôkyô. Construit à la période Edo (1603-1867) comme réserve de chasse aux canards d’un seigneur féodal, ce lieu a été transformé en un jardin public qui mérite une visite.
Après avoir tourné à droite, nous arrivons au célèbre marché aux poissons de Tsukiji dont le déménagement à l’extérieur de Tôkyô est prévu en novembre 2016. Quand nous arrivons à Harumi-dôri, nous nous éloignons du quartier chic de Ginza pour passer sous la double arche du pont Kachidoki vers la place Triton.
A partir de là, la route fait plusieurs virages progressifs vers la droite, et après quelques kilomètres nous arrivons enfin à notre destination. Odaiba est l’un des principaux centres commerciaux et de divertissement de la capitale et constitue son seul accès piétonnier vers le bord de la mer. Nous circulons au milieu de cet espace futuriste, en passant près de l’imposant centre des congrès de Tôkyô Big Sight et le Musée des sciences marines. Ce dernier ressemble à un love hotel en forme de paquebot surmonté d’une tour rouge. Finalement, nous arrivons au centre d’Odaiba, notre destination finale, pour faire une pause déjeuner dans l’un des cafés en bord de mer.
Sur le chemin du retour, en sortant de la zone de plage, nous passons le Rainbow Bridge (il est possible de le traverser à vélo ou à pied) et empruntons la route à gauche du palais omnisport d’Ariake Coliseum où se déroulent chaque année l’Open de tennis du Japon et le Toray Pan Pacific Open. Cette route est une façon rapide de rejoindre la route par laquelle nous étions arrivés. Cette fois, cependant, juste avant d’atteindre la place Triton nous prenons à droite, traversons un pont de taille moyenne et descendons vers Tsukishima, célèbre pour ces restaurants où l’on sert le monja-yaki, version plus baveuse de l’okonomiyaki populaire, qui aurait été créé ici.
Alors que cette île est en grande partie artificielle, sa pointe nord appelée Tsukudajima est un petit rocher naturel qui, pendant des siècles, a été un petit village de pêcheurs. En plus d’être le lieu de naissance du tsukudani (un ragoût de petits fruits de mer, de viande ou d’algues mijoté dans la sauce de soja et le mirin), cet endroit est on ne peut plus charmant avec ses ponts rouges traditionnels et son atmosphère chaleureuse. De retour sur la route, nous traversons la puissante rivière Sumida par un autre pont et, à travers un dédale de ruelles, nous passons devant Ginza, puis entre le Forum international de Tôkyô sur notre gauche et la gare de Tôkyô sur notre droite. Nous pouvons maintenant voir le palais impérial en face de nous. Lorsque nous ne pouvons pas approcher plus près, nous bifurquons sur la droite pour nous retrouver devant l’antique Porte Sakurada de l’ancien château d’Edo. Quand nous arrivons à Kasumigaseki (le quartier des ministères), nous prenons à droite le long des douves et traverserons la rue vers le bâtiment de la Diète, avant de grimper la colline à Roppongi et de redescendre vers notre point de départ.
Je suis assez fatigué et j’ai des courbatures. Mais si un débutant comme moi a réussi à faire ce circuit de 30 km, je suppose que presque tout le monde est en mesure de le faire. Si vous vous trouvez à Tôkyô, vous pouvez essayer vous-même. Il existe certainement des moyens pires que celui-ci pour garder la forme et visiter la ville.
J. D.
Informations pratiques
Pour en savoir plus sur ce club, consultez son site http://halffastcycling.com.
La route que nous avons empruntée est visible ici : https://ridewithgps.com/routes/7272885.