L’endroit était magnifique, avec des cascades, des rivières. Quelques mois plus tard, on a appris, dans le journal, le projet de construction des héliports ! Au début, je ne me rendais pas compte. Puis j’ai compris que si je ne luttais pas, c’est moi qui devrais partir”, raconte-t-il. Organisateur de festivals de musique pour la paix à Henoko puis à Takae en 2012 avec des artistes comme UA et Shingo2, il faisait partie des manifestants les plus vindicatifs du site N1. “On a pu retarder les travaux pendant dix ans, mais à présent, plus que les manifestations, c’est la voie juridique qui est notre seul espoir”, estime-t-il. Ishihara fait partie des 31 membres de l’Association des habitants de Takae contre les héliports qui ont demandé l’arrêt des travaux devant la cour de Naha en octobre dernier. “Nous réclamons au ministère de la Défense une étude d’impact sur la nuisance sonore”, explique-t-il En l’absence d’études fiables fournies par les autorités, les habitants ont fait appel à des experts universitaires pour calculer les basses fréquences, soit 100 décibels pour un vol groupé de trois Ospreys : une puissance qui peut avoir un impact sur la santé. “Nous faisons tout pour demander aux autorités centrales des garanties de l’armée américaine pour diminuer la fréquence des vols d’Ospreys, surtout la nuit”, promet de son côté Seikyû Iju, le maire de Higashison. Il essaie d’apaiser la population, mais chaque effort semble être réduit à néant par un nouvel incident. En décembre 2016, un crash d’Osprey est survenu au large de Henoko. L’accident n’a pas fait de victimes, mais il a relancé, de plus belle, la polémique sur la sécurité des avions. L’actuelle base de Futenma a été construite en plein cœur de Ginowan, une ville de 94 000 habitants et a été reconnue comme la base la plus dangereuse du monde. Le 22 décembre a eu lieu, à Naha dans une atmosphère mitigée, la cérémonie de fin des travaux des six héliports entre Tôkyô et Washington. Pour la forme, les Etats-Unis ont aussi officiellement rendu 4 000 hectares du centre d’entraînement en jungle en vertu des accords SACO. Cependant à Takae, personne ne se réjouit de cette rétrocession. “Une fois que les arbres ont été coupés, c’est tout l’écosystème qui est perturbé. On ne peut que souhaiter que la forêt puisse se régénérer d’elle-même”, déclare Miyagi Akino une entomologiste qui étudie les papillons endémiques de Yanbaru. La forêt abrite environ 24 espèces en danger et fait partie des sites de Amami-Ryûkyû qui pourraient être classés au Patrimoine mondial de l’Unesco. Mais avec la construction de six héliports de 75 mètres de diamètre autour de cette aire protégée, le pari risque d’être difficile. Comme en écho, un vol de trois Ospreys vient fendre l’air.
Alissa Descotes-Toyosaki