Pourquoi êtes-vous si fascinée par les récits historiques?
Y. M. : C’est une passion que j’entretiens depuis ma plus tendre enfance. J’ai toujours été attiré par des événements anciens. C’est encore vrai aujourd’hui. Une des raisons pour lesquelles je les apprécie tant, c’est qu’ils nous montrent que rien n’a vraiment évolué depuis 2000 ans. Les gens continuent à faire les mêmes choses, commettant les mêmes erreurs. C’est comme si le même cycle se répétait encore et encore. Dans le même temps, la lecture sur le passé est une façon de mieux comprendre le présent. Pensez à la guerre au Moyen-Orient. Peu de choses ont changé depuis que les croisés ont essayé de prendre Jérusalem aux musulmans. Lisez sur le passé et vous trouverez les origines de nombreux conflits politiques et religieux que nous n’avons toujours pas résolus.
Parlez-nous de votre collaboration fructueuse avec Tori Miki ?
Y. M. : Je le connais depuis de nombreuses années maintenant, et même s’il a neuf ans de plus que moi, nous avons un grand attachement l’un pour l’autre.
Vous travaillez ensemble depuis Thermae Romae. Comment cette collaboration a-t-elle commencé ?
Y. M. : Après avoir publié les cinq premiers volumes de la série, j’ai pris conscience de la difficulté de pouvoir suivre le rythme des publications mensuelles imposé par le magazine pour qui je travaillais. Je sentais que j’avais atteint ma limite et qu’il y avait beaucoup de choses que je ne pourrais pas continuer sans aide. Alors j’ai demandé à Tori-san de m’aider pour la réalisation du sixième et dernier volume. J’ai ainsi pu me concentrer sur le script et dessiner les personnages tandis qu’il s’occupait des décors et de l’architecture.
Vous avez ensuite décidé d’étendre cette collaboration au projet consacré à Pline l’Ancien ?
Y. M. : Tout à fait. Mais la grande différence est que, dans Thermae Romae, Tori-san était seulement mon assistant non crédité. Avec Pline, il s’agit d’une véritable collaboration. La plupart des mangas portent sur des personnages ou tournent autour de personnes, mais dans Pline, la nature entière occupe une place aussi importante que le personnage central. Comme je l’ai dit, Tori-san est non seulement capable de réaliser de superbes bâtiments, mais il peut aussi représenter la nature dans ses moindres détails et décrire tous les événements naturels, y compris les tremblements de terre et les éruptions volcaniques, d’une manière très convaincante. Le problème avec lui est qu’il est si précis que, quand je reçois ses pages, je dois souvent retravailler mes dessins pour qu’ils se fondent dans ses décors. Je finis par travailler davantage et pas moins (rires).
Y a-t-il une sorte de division du travail dans votre collaboration ?
Y. M. : D’une manière générale, je suis en charge de l’intrigue. Mes histoires sont basées sur des faits historiques et pour moi la recherche du sujet est la chose que j’apprécie le plus chaque fois que j’entreprends un nouveau travail. J’aime lire, comparer des sources en japonais, en italien et en anglais, et prendre des notes. Une fois que j’ai fini, je montre à Tori-san mes idées. J’ai tendance à remplir les pages avec trop de mots. Si je faisais tout moi-même, je finirai probablement par faire un essai avec des illustrations. C’est là que Tori-san entre en scène, mettant un terme à mes explications sans fin, et donnant à notre travail la forme de manga. En ce sens, il agit comme une sorte d’éditeur. Et bien sûr, il est également celui qui aborde les côtés bizarres de l’histoire. Il dessine tous les animaux étranges et les monstres qui apparaissent dans Pline. Il aime se présenter comme le directeur des effets spéciaux.
Propos recueillis par Jean Derome
Référence
Pline (série en cours),
de Yamazaki Mari et Tori Miki, trad. par Ryôko Sekiguchi et Wladimir Labaere, Editions Casterman, 2017, 8,45 € le volume.