Une première explication de la force de cette liaison se trouve peut-être dans les stratégies de modernisation du Japon, qui avait choisi de rattraper le retard industriel accumulé au cours de ses deux siècles de fermeture en s’inspirant du meilleur des pays occidentaux. Des ballets de consultants s’étaient mis en place avec l’Allemagne pour tous les sujets concernant la médecine et la technologie, l’Angleterre pour la construction navale et le transport maritime, et avec la France pour tous les sujets concernant l’art et la gastronomie. Les premiers architectes japonais construisent des pavillons pour les différentes expositions universelles : Shimizu Usaburô réalise le pavillon Satsuma en 1867, rassemblant les principales caractéristiques de la maison traditionnelle nipponne, le pavillon de 1900 conçu par Hayashi Tadamasa avec deux architectes français est plus ambitieux, et semble une version modernisée des châteaux de daimyô, seigneurs locaux du Japon médiéval. Yamada Shichigorô signe le pavillon de l’exposition des arts décoratifs de 1925, une machiya (maison de ville) moderne arborant encore les signes de l’architecture traditionnelle nippone. Ces architectures prolongent le japonisme, tendance de l’art décoratif occidental très en vogue à la fin du XIXe siècle. On le retrouve à la maison du Japon à la cité internationale de Paris, par Nakamura Junpei, projet de fin d’études du premier Japonais diplômé de la section architecture de l’École Beaux-Arts de Paris en 1923. Une poignée d’architectes va profiter d’un enseignement bien plus décisif pour l’histoire de l’architecture japonaise au sein de l’Atelier de Le Corbusier, rue de Sèvres. Maekawa Kunio, premier grand architecte moderne japonais, y travaille de 1928 à 1930. Il y introduit Sakakura Junzô, qui vient de faire l’objet d’une grande exposition à la Maison de la culture du Japon à Paris. Chez le “maître”, ce dernier réalise les dessins du concours pour le palais des Soviets, un concours très important à l’époque, ou pour des maisons individuelles. Sakakura dessinait les murs, Le Corbusier rajoutait des petits éléments de mobilier et des habitants, membres de la classe populaire accédant au confort semblant sorti d’un tableau de Fernand Léger…
Yoshizaka Takamasa est, avec Maekawa Kunio, le troisième mousquetaire des anciens collaborateurs de Le Corbusier qui contribueront à propager le modernisme dans la culture architecturale nippone (d’autres architectes japonais ont suivi les cours du Bauhaus, ou travaillaient chez des architectes européens). Le pavillon japonais à l’exposition universelle de Paris en 1937 est un premier jalon moderne. Il est réalisé par Sakakura Junzô. Retournés dans l’archipel avant la guerre, les trois mousquetaires suivront pour Le Corbusier le projet de musée d’art occidental du parc d’Ueno, à Tôkyô. Charlotte Perriand, célèbre designer intégrée à l’atelier de Le Corbusier, maintient le contact pendant toutes ses années, se rendant au Japon en 1940 sur le paquebot Hakusan-maru, et bénéficiera après guerre de la position de son mari au sein d’Air France pour effectuer ces déplacements en avion.