Les films de ce genre sont produits selon certaines règles très précises.
S. K. : Vous devez montrer une scène de sexe ou au moins un nu féminin toutes les dix minutes. Ce sont des films érotiques, après tout. D’un autre côté, vous avez beaucoup de latitude sur le plan des histoires. L’intrigue n’a pas besoin d’être seulement un prétexte pour lier une scène de sexe à une autre. Wakamatsu lui-même avait l’habitude de s’attaquer à des sujets sérieux comme la politique et la révolution sociale. Dans mon cas, quand j’ai tourné Mesunekotachi, la Nikkatsu essayait de faire revivre le genre. Donc, d’un côté, je me suis tourné vers le passé pour trouver de l’inspiration, mais j’ai aussi cherché des moyens d’injecter quelque chose de nouveau, plus proche du présent, comme la solitude urbaine au XXIe siècle. C’était très intéressant de travailler sur ce projet, et cela ne me dérangerait pas d’en faire un autre.
Vous avez débuté en tant que réalisateur en 2009 avec Lost Paradise in Tokyo. Puis, jusqu’en 2016, vous avez surtout travaillé pour la télévision.
S. K. : Oui, c’était le seul moyen de gagner ma vie (rires). En général, il est plus facile de trouver de l’argent pour un projet de télévision. Lost Paradise in Tokyo était un très petit film indépendant qui est passé inaperçu. Après cela, j’ai eu du mal à faire un autre film, mais je voulais continuer à diriger, et la télévision m’a donné cette chance. En dehors de l’argent, c’était aussi l’occasion d’améliorer mes compétences et de me faire remarquer.
Je suppose que c’est un univers différent de celui du cinéma ?
S. K. : La principale différence est liée au fait que vous devez maintenir à un niveau élevé le degré de divertissement du public d’autant plus que les gens ont aujourd’hui une durée d’attention très courte. Dès que l’intensité baisse, ils changent de chaîne. Au cinéma, on vous donne plus de temps pour construire votre histoire et développer une certaine atmosphère. À moins que les gens détestent vraiment un film, ils ne sortent pas après dix minutes. Au niveau de la production, travailler sur un long métrage et une série télévisée n’est pas très différent. Au Japon, de nombreuses chaînes produisent maintenant leurs propres films, ce qui n’a pas été sans conséquence sur les histoires et le style. Quant à moi, maintenant que je suis en mesure de me concentrer sur des longs métrages, j’ai pris la décision consciente de produire des œuvres aussi éloignées que possible de cette tendance.
Vous êtes principalement connu pour vos films policiers inspirés de faits réels. Pourquoi êtes-vous si attiré par ces histoires ?
S. K. : Parce que j’aime creuser dans la vie et les motivations de ces gens, et découvrir pourquoi ils ont agi d’une certaine manière. Quoi que nous fassions, il y a toujours des moments où nous devons prendre une décision. Je me mets à la place de ces gens, et j’essaie d’imaginer pourquoi ils ont suivi ce chemin plutôt qu’un autre. Tous mes films tentent de répondre à la même question : que signifie être humain ? À cet égard, les histoires criminelles sont, du moins pour moi, le meilleur moyen d’explorer ce thème.
Cela dit, votre dernier film policier, Korô no chi [Le Sang du loup solitaire] n’est pas basé sur une histoire vraie, mais sur le roman de Yuzuki Yûko.
S. K. : En effet. Ce roman s’inspire de la grande série cinématographique de la Tôei dans les années 1970, Combat sans code d’honneur (Jinginaki tatakai de Fukasaku Kinji), laquelle, comme le livre, se déroule à Hiroshima. Personne n’avait fait quelque chose comme ça depuis de nombreuses années. Quand la Tôei a décidé de faire revivre le genre, elle voulait quelqu’un qui pourrait aborder l’histoire avec une sensibilité plus contemporaine. C’est ainsi qu’on m’a proposé le film. Je dois avouer qu’au début je n’étais pas sûr de pouvoir gérer ce projet. Comme j’ai toujours aimé les années 1970 et 1980, époque où toutes ces histoires se sont déroulées, j’ai accepté de relever le défi.