Alors que l’Ukraine continue d’occuper le cœur de l’actualité, il convient de se souvenir de l’exemple mandchou.
On dit que l’histoire hoquette et que comparaison n’est pas raison. Pourtant, il est évident que l’invasion de l’Ukraine par la Russie rappelle ce qui s’est passé en septembre 1931, quand le Japon, prétextant un attentat commis par des Chinois, s’est lancé à la conquête de tout le territoire de la Mandchourie avant de le transformer en Etat fantoche, le Mandchoukouo, en mars 1932. La façon dont les Japonais ont opéré à cette époque et la réaction des principales puissances du moment, en l’occurrence les pays occidentaux, rappellent à bien des égards la situation actuelle.
En octobre 1931, le Conseil de la Société des Nations (SDN), équivalent du Conseil de sécurité de l’ONU, avait adopté une résolution par 13 voix contre 1, celle du Japon, pour exiger le retrait des troupes nippones de Manchourie. Un résultat semblable au vote du 25 février 2022 concernant la résolution sur l’invasion de l’Ukraine, soutenue par onze membres du Conseil de sécurité, et contre laquelle seule la Russie a voté. De la même manière, l’adoption par l’Assemblée générale de la SDN, en février 1932, d’une résolution refusant de reconnaître le Mandchoukouo par 42 voix contre 1 a été suivie, neuf décennies plus tard, par une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU “exigeant de la Russie qu’elle cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine” approuvée par 141 pays. Presque tous les ambassadeurs qui ont pris la parole ont condamné nommément Moscou. Leur homologue russe a, lui, accusé le gouvernement ukrainien et les nations occidentales d’être à l’origine de cette guerre. Une prise de position semblable à celle de Matsuoka Yôsuke,
le chef de la délégation japonaise à la SDN, qui avait alors affirmé que le chaos en Chine était la cause de la confusion en Extrême-Orient, et que le Japon en était la principale victime.
Le parallèle entre les événements en Ukraine et ceux de Mandchourie ne s’arrête pas aux invasions commises, à 90 années de distance, par le Japon et la Russie contre un Etat indépendant. Il concerne également leur gestion par les autres pays, principalement occidentaux. En 1932 comme en 2022, ceux-ci ont choisi d’appliquer des sanctions économiques très dures contre les agresseurs de la Mandchourie et ceux de l’Ukraine. En privant l’Empire du Soleil levant, dépourvu de matières premières, d’un accès au pétrole ou à divers minerais, les Américains et leurs alliés estimaient qu’ils parviendraient à faire reculer les Japonais.
Malheureusement, le Japon a campé sur ses positions et, convaincu d’agir dans son bon droit, a fini par se lancer dans une guerre qui aboutit à sa quasi destruction. C’est justement là que se trouve la limite de la comparaison dans la mesure où il est aujourd’hui difficile d’imaginer la Russie se lancer dans un conflit global dont tout le monde sortirait perdant. Reste qu’il faut se souvenir des leçons du passé pour éviter de reproduire les mêmes erreurs dont les conséquences furent pour le moins funestes.
Odaira Namihei