S’appuyant sur le respect de la nature, les promoteurs du Millet proposent une cuisine simple mais raffinée.
On ne se rend pas chez Millet par hasard, aucun panneau sur la petite route de campagne qui y mène n’indique l’établissement et il n’y a même pas d’enseigne. Seul un nom écrit en petits caractères sur une boîte aux lettres permet de s’assurer que cette maison de village anonyme abrite ce qui est sans doute le meilleur restaurant végétarien du Japon.
Il a été fondé en 2006 par Sumioka Juli, bien avant que la mode de la cuisine végétarienne ne gagne le Japon, et est situé dans le village de Shizuhara dans les montagnes du nord de
Kyôto. La cuisine de Millet est composée essentiellement des légumes, céréales, fruits et fleurs produits cultivés dans le vaste jardin qui entoure le restaurant. Il s’agit plus précisément de cuisine végan, ou végétalienne, car ni œuf, ni produit laitier ne sont utilisés pour la préparation des mets. Millet est une histoire de famille : Juli est aux fourneaux, sa mère, Kazuko, cultive les légumes, les fleurs et confectionne les confitures, les grandes toiles inspirées de sa tante décorent la salle du restaurant et son mari, Atsushi, s’occupe du pain, de la ferme, de la rizière et des champs qui entourent la propriété.
L’établissement fonctionne uniquement sur réservation et ne sert que le déjeuner, et pour une dizaine de personnes au maximum, car Juli est seule en cuisine. De la salle du restaurant, une large pièce en bois clair, décorée avec goût de tableaux, de livres, de photographies et d’objet rares, se dégage une atmosphère paisible et féminine. De grandes baies vitrées offrent une vue sur le verger, le jardin potager et un ruisseau qui serpente à travers une jolie campagne vers le centre du village de Shizuhara.
Tout a commencé par l’envie de Juli, qui a grandi dans ce village, de construire un four en pierres afin d’organiser des ateliers sur la préparation et la cuisson du pain dont elle ignorait presque tout. C’est à un de ces ateliers qu’elle rencontre son mari, Atsushi, riziculteur biologique installé depuis peu dans le village, et qu’ils décident la création d’un restaurant organique qui ne proposerait que des aliments produits sans pesticide, fertilisant ou autres produits chimiques : Millet, dont le nom fait référence au grain, était né.
Depuis Atsushi s’est mis, en plus de la culture du riz gluant mochi-gome, à celle du blé pour son pain et de haricots rouges azuki. Il s’occupe aussi, entre autres, de la fabrication du miso, du ramassage du bois dans les montagnes environnantes pour le four à pain et le poêle à bois du restaurant.
Les inspirations de la cuisine de Juli sont multiples. Aux goûts et saveurs traditionnels du Japon s’ajoutent des éléments d’influence européenne comme le pain et les desserts, ainsi que des créations originales à partir de fleurs comestibles et d’herbes de saison qui poussent dans le jardin. Les plats sont préparés avec grand soin et parfois sur plusieurs jours.
Le jour de notre visite sont au menu une variété de hors-d’œuvre, entre autres boule de riz gluant à la fleur de gingembre, quiche aux légumes, flan de potiron, puis une soupe épicée à la tomate servie avec un excellent pain frais, cuit quotidiennement dans le four en pierre, suivie d’un assortiment de légumes du jardin crus et cuits, ensuite le plat principal, une délicate terrine froide de légumes, et enfin un dessert aux myrtilles du verger accompagné d’un sorbet.
Millet fonctionne presque en autarcie, produisant sur place la majorité des aliments consommés. Certains produits sont tout de même achetés chez des producteurs bio locaux, comme le tofu, et puis les champs de la propriété ne produisant pas assez de blé pour le pain maison, de la farine est achetée à Hokkaidô.
Kazuko, la mère de Juli, dont on sent l’influence sur sa fille, règne sur un formidable jardin potager dont l’abondance contraste avec les champs environnants tirés au cordeau où ils produisent – à grand renfort de produits chimiques – des kyôyasai, les fameux légumes de Kyôto. Ici, pas de pesticides ni d’engrais, ni même de machine, et dans un beau désordre, réglé seulement par la loi de la nature, poussent entre deux ruisseaux une grande variété de légumes, d’herbes et de fleurs, qui font le régal des abeilles dont les ruches sont installées en contrebas du jardin, mais aussi des arbres fruitiers, mûriers, néfliers, plaqueminiers, ou encore mandariniers.
La clientèle de Millet est composée pour une bonne part d’habitués, mais plus que des végétariens ou végétaliens convaincus, encore peu nombreux au Japon, il s’agit surtout de familles avec enfants séduits par la nourriture saine et naturelle de la maison. Et puis il y a aussi les gens qui font le voyage, parfois de loin, attirés par le bouche à oreille.
La famille qui gère le Millet essaye de mener une existence qui soit la moins dommageable possible pour l’environnement, sans plastique ni gaspillage ; ils organisent aussi des ateliers et des cours de cuisine qui remettent en contact les individus et la nature et vendent au marché local leur surplus de fleurs. Le déjeuner chez Millet est un menu fixe avec un plat principal qui change chaque mois. Dessert, thé et café compris, il en coûte 3 500 yens* ce qui, compte tenu de la qualité des produits servis, est très raisonnable ; il mérite le voyage !
Eric Rechsteiner
Informations pratiques
1118 Shizuichi shizuharachô, Sakyô, Kyôto, 601-1121.
Tél. 075-888-0878. www.cafemillet.jp
*100 yens = 0,63 € (le 25 octobre 2023)