
Traducteur d’une cinquantaine de livres, Jean-Bapstiste Flamin obtient une première reconnaissance pour son travail.
C’est pour votre traduction du roman Le Gardien des souvenirs, de Hiiragi Sanaka, publié par les éditions Nami en 2024 que le jury du Prix Konishi de la traduction vient de vous décerner le Prix d’encouragement. Bravo ! La fluidité de votre traduction et l’aisance dans votre rendu des dialogues, au service d’un roman original, jouant avec les codes du fantastique et du suspense ont été hautement appréciées. Traducteur professionnel, diplômé de l’INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales connu aussi sous l’appellation Langues’O), vous avez traduit plusieurs dizaines de light novels, romans policiers et mangas japonais. Par ce Prix d’encouragement, le jury reconnaît votre engagement dans le métier (vous avez déjà été nominé, ce qui témoigne de la qualité de vos traductions dans le temps) et vous invite à poursuivre dans cette voie en l’approfondissant et en l’enrichissant”.
Quelle a été votre formation ?
Jean-Baptiste Flamin : J’ai suivi des études d’anglais (licence de Langues, Littératures et Civilisations Étrangères à Lyon II et master professionnel de traduction littéraire à Paris 7) et de japonais (licence puis master à l’INALCO). J’ai également étudié les sciences du langage à Lyon II et suivi le parcours Hautes Études Internationales, en licence à l’INALCO.
C’est une année d’échange universitaire en Angleterre, où j’ai suivi un cours de 4 heures hebdomadaires avec d’excellents professeurs qui m’a décidé à m’inscrire en licence de japonais parallèlement à mon master de traduction de l’anglais. Le cursus était très exigeant, mais passionnant. J’ai eu la chance d’effectuer un séjour d’études d’un an et demi au Japon durant mon master, à l’issue duquel j’ai continué à me former en lisant de la littérature japonaise, avant de commencer à en traduire.
Quelle est votre expérience de la traduction jusqu’à présent ?
J.-B. F. : Une cinquantaine d’ouvrages traduits majoritairement du japonais (quelques-uns de l’anglais) dans de nombreux genres : romans contemporains, pour la jeunesse, policiers, albums jeunesse, mangas, essais et témoignages, vie pratique, artbooks et guides de jeux vidéo, articles de presse…
Pourquoi avoir traduit Le Gardien des souvenirs ?
J.-B. F. : Les éditions Nami recherchaient un traducteur ; la responsable, Camille Juré, m’a transmis un résumé très intéressant de l’intrigue et m’a parlé avec beaucoup d’enthousiasme des thèmes abordés. En lisant les premières pages de l’ouvrage, ma première impression, positive, s’est confirmée et j’ai accepté d’effectuer un essai de traduction.
Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ?
J.-B. F. : Je me rappelle tout d’abord avoir réfléchi à la façon de rendre la temporalité du récit, qui n’est pas tout à fait linéaire, et de traiter l’oralité des différentes voix. C’était un défi intéressant. Également, il s’agissait à un moment donné de ne pas divulguer immédiatement le sexe d’un personnage, ce que le japonais peut faire plus facilement que le français. Je devais donc ruser… Enfin, l’ouvrage comporte de nombreux passages sur la photographie, et, pour obtenir le vocabulaire exact en français, je me suis tourné vers un photographe professionnel.

Comment avez-vous abordé cette traduction ?
J.-B. F. : Cette fois encore, j’ai produit un premier jet rapide de l’ensemble de l’ouvrage que j’ai ensuite révisé plusieurs fois. J’ai posé des questions sur des points de langue ou des références culturelles à une amie japonaise, ce qui m’a permis de confirmer ou d’infirmer ce que j’avais compris seul. Par ailleurs, j’ai eu la chance de pouvoir questionner l’autrice, afin de lever les doutes qui me restaient. Enfin, un ami traducteur a bien voulu relire une partie du texte pour m’aider à l’améliorer.
Pouvez-vous nous parler de votre travail avec la maison d’édition ?
J.-B. F. : L’éditrice m’a d’abord demandé un essai de traduction qu’elle a relu et corrigé, afin de nous mettre d’accord sur le ton général à adopter. Ensuite, elle m’a mis en contact avec une relectrice avec qui j’ai échangé. J’ai aussi travaillé un peu avec l’éditrice autour de la présentation de l’ouvrage. J’ai disposé de suffisamment de temps, sans trop de pression, et bénéficié de conseils bienveillants de la part de l’éditrice et de la relectrice.
Comment voyez-vous la situation de la traduction du japonais vers le français actuellement ?
J.-B. F. : Sur le plan économique, l’édition se porte relativement bien depuis la pandémie, mais tout le monde ne profite pas de cette situation : certaines maisons d’édition pratiquent des tarifs rédhibitoires, pour ne pas dire scandaleux. Si l’on ajoute le temps extrêmement réduit qui nous est souvent imparti pour traduire et la relative absence de considération de la part de certains interlocuteurs, le constat partagé par une partie de mes confrères et consœurs est que l’exercice de la profession est de plus en plus dur et précaire. A quoi s’ajoute depuis quelques années la menace de l’intelligence artificielle… Heureusement, des syndicats militent pour la création d’un régime d’intermittence.
Propos recueillis par C. Q.
Le Gardien des souvenirs, roman doux-amer
Entre notre monde et l’au-delà existe un étonnant studio photo où les défunts peuvent tourner une dernière fois les pages du livre de leur existence terrestre. Chacun peut se remémorer des moments précieux de son passé. Accompagnés par Hirasaka, le mystérieux propriétaire du studio, une vieille femme, un yakuza et une enfant entre la vie et la mort vont traverser cette antichambre de l’au-delà. Entre nostalgie des choses perdues et célébration des petits bonheurs du quotidien, un roman doux-amer et universel sur la place des souvenirs au moment où la vie s’éteint.
Le Gardien des souvenirs de Hiiragi
Sanaka, éditions Nami, 2024 (Jinsei shashinkan no kiseki, Takarajima-sha, 2019), 19,90 €.