Grand maître du nihonga, Hiramatsu Reiji évoque ce qui l’a amené à revisiter une partie de l’œuvre de Claude Monet.
Le “retour du japonisme” au Japon est une expression qui est employée pour évoquer les artistes japonais qui vinrent faire leurs études en France à la fin du XIXe siècle. Le japonisme était alors à son apogée et ils furent consciemment ou non influencés par leurs maîtres occidentaux qui s’inspiraient des sujets, des coloris ou encore des aplats des estampes japonaises. Mais ce terme peut aussi s’appliquer à des artistes contemporains comme le peintre de nihonga (technique de peinture traditionnelle) Hiramatsu Reiji, auquel une exposition est actuellement consacrée au Musée des impressionnismes de Giverny.
Votre exposition Hiramatsu, le bassin aux nymphéas, hommage à Claude Monet qui s’était tenue, en 2013, au Musée des impressionnismes de Giverny a connu un très grand succès. Les visiteurs ont pu, grâce à vos œuvres, découvrir la beauté du nihonga. Mais, pourquoi cet hommage à Claude Monet et comment en êtes-vous venu à vous intéresser à cet artiste ?
Hiramatsu Reiji : J’avais toujours rêvé de me rendre à Paris et mon vœu fut exaucé en 1994 lorsque je fus invité à faire une exposition personnelle dans une galerie des Champs-Élysées. Le lendemain du vernissage, je suis allé me promener au jardin du Luxembourg et suis entré au musée de l’Orangerie. Je connaissais bien sûr le nom de Monet, mais pas véritablement l’ampleur de son œuvre. En découvrant les grandes décorations impressionnistes, ces merveilleux Nymphéas, j’étais fasciné et incapable de faire le moindre mouvement. Mon épouse était dans le même état que moi. Dans cette œuvre de ce grand maître, la perspective est inexistante. Aucun personnage, aucun animal, mais des nymphéas flottant à la surface de l’étang, l’expression des quatre saisons, de l’écoulement du temps et des nuages se reflétant dans l’eau. En voyant cela, je me suis mis à me poser une multitude de questions. Peintre de nihonga, je voyais dans cette gigantesque œuvre circulaire qui dépasse les 80 mètres, un immense emakimono (rouleau enluminé japonais). Je me suis dit que si l’on pliait cette œuvre, on obtiendrait un paravent. Les questions se bousculaient dans mon esprit et je me demandais ce que Monet avait véritablement voulu peindre.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vouloir créer des œuvres en hommage à Monet ?
H. R. : J’ai décidé d’aller sur les pas de Monet à Giverny pour mieux comprendre sa pensée. Je suis donc parti à la découverte de son bassin aux nymphéas. J’ai alors remarqué que celui-ci avait la forme d’une gourde et qu’un pont japonais le traversait. Je me suis dit que Monet avait dû choisir cette forme pour son étang dont il voulait faire un miroir d’eau, parce qu’elle évoquait pour lui les faces-à-main qu’utilisent les courtisanes représentées dans les estampes japonaises. Le reflet de la lumière sur l’eau y était de toute beauté. Les nymphéas, plantés dans des pots, au fond de l’étang, fleurissaient à la surface de l’eau, entourés de leurs feuilles. C’est à ce moment-là que j’ai trouvé la réponse à mes questions. Je me suis dit que Monet avait créé cette pièce d’eau dans l’esprit de la tradition de la “beauté”, de “l’art décoratif et ludique”, du “style” japonais. Monet a tenté d’insérer tout ceci dans ses grandes décorations des nymphéas, son chef-d’œuvre.
J’ai donc tenté de me mettre à la place de Monet et c’est avec les matériaux et pigments du nihonga que j’ai souhaité exprimer les motifs traditionnels dont les Japonais en général et les artistes en particulier ont tendance à vouloir s’éloigner de nos jours. Voilà comment j’ai tenté de faire revivre son œuvre. Monet a laissé de nombreux sujets d’étude aux générations suivantes. C’est donc en utilisant ses thèmes privilégiés que je veux créer de nouvelles œuvres.