Dernier film de l’actrice fétiche de Kore-Eda, Dans un jardin qu’on dirait éternel est un chef-d’œuvre sensible et émouvant.
Lorsque le film d’Ômori Tatsushi est sorti au Japon à l’automne 2018, l’immense actrice Kiki Kirin qui y incarne un rôle central venait de s’éteindre. Dans un jardin qu’on dirait éternel est donc le dernier long métrage tourné par celle que l’on a découverte en France dans les œuvres de Kore-Eda Hirokazu puis dans les fameux Délices de Tokyo de Kawase Naomi. Et si l’on ne peut que regretter sa disparition en 2018, on se console en se disant que son rôle dans le long métrage d’Ômori nous en laisse une très belle impression.
A l’instar d’un autre acteur culte Atsumi Kiyoshi disparu prématurément en 1996, Kiki Kirin est bien plus qu’une actrice. C’est un personnage dont les Japonais se sentent proches et dont ils apprécient la philosophie de vie. En témoignent ses écrits qui figuraient encore à la fin de l’année dernière en tête des meilleures ventes de livres dans l’Archipel. Aussi sa participation dans ce film qui raconte l’initiation à l’art de la cérémonie du thé s’inscrit dans cette volonté de transmettre le flambeau. Interrogée sur sa motivation à jouer le rôle de celle qui va enseigner cet art à deux jeunes femmes Noriko et Michiko interprétées avec brio par Kuroki Haru et Tabe Mikako, Kiki Kirin expliquait justement qu’elle voulait tourner avec la jeune Kuroki par désir de passer le relais à la jeune génération.
La thématique de Dans un jardin qu’on dirait éternel se prête merveilleusement bien à cette mission. Et l’on sent à mesure que l’histoire se déroule que l’actrice parvient à l’objectif qu’elle s’était fixé . Jouant à la fois sur une certaine rudesse et sur une réelle tendresse, elle incarne parfaitement son rôle de professeur exigeante et sensible à la fois. On comprend qu’il n’est pas toujours facile de faire passer les traditions, surtout quand celles-ci ne se fondent pas uniquement sur un savoir-faire. Il existe bien une technique dans la cérémonie de thé, mais le plus important repose sur le moment où celle-ci se déroule. Savoir capter l’instant, être sensible au passage du temps, saisir le moment opportun exigent une sensibilité extrême. A travers la manière dont Noriko et Michiko abordent cet enseignement et le rapport qui s’établit entre les trois femmes, cette complexité apparaît. Cela donne au film une grande intensité et une beauté qu’on ne peut qu’apprécier. Merci Kiki Kirin.
Gabriel Bernard
Référence
DANS UN JARDIN QU’ON DIRAIT ÉTERNEL (NICHI NICHI KORE KÔJITSU), de Ômori Tatsushi. 2018, 100 mn, couleurs. Avec Kiki Kirin, Kuroki Haru,
Tabe Mikako. En salles le 1er avril 2020.