Alors que les Français faisaient “Tchin !” pour célébrer les retrouvailles en famille ou entre amis à l’occasion du déconfinement, je suis tombée sur un mot japonais ayant la même sonorité : chin. Il ne s’agit pas du fameux chin chin signifiant le “zizi” dans votre langue, mais du terme que seul l’empereur peut employer pour exprimer “je” et “moi”. Ce pronom personnel s’est retrouvé dans une lettre signée par 14 anciens procureurs importants et adressée au ministère de la Justice, suite à un projet de réforme législative que le gouvernement d’Abe Shinzô tente de faire passer. Il porte sur un report de l’âge du départ à la retraite des procureurs, à 65 ans contre 63 ans actuellement. Quand j’ai su que cette affaire faisait polémique, je ne comprenais pas pourquoi car, en général, les “samouraïs modernes” aiment bien travailler longtemps. La lecture de la lettre m’a conduite à saisir que l’enjeu était ailleurs et que, en un mot, le véritable objectif du projet était de repousser la retraite d’un allié du pouvoir, l’ancien procureur général de Tôkyô qui a 63 ans, afin de lui assurer le poste de procureur général du pays. Ses anciens confrères ont ainsi voulu alerter sur la violation de l’indépendance statutaire du parquet par le pouvoir politique. Dans leur lettre, ils pointent du doigt le chef du gouvernement en affirmant que son comportement reflète la célèbre formule de Louis XIV “L’Etat, c’est moi”, en japonais “Chin wa kokka”. Il faut savoir que chin, utilisé avant la guerre, n’a plus été prononcé depuis 1945. Le message est d’autant plus fort que la lettre fait référence également à la citation du philosophe anglais John Locke selon laquelle “le droit finit, la tyrannie commence”.
La pandémie du coronavirus m’a fait ignorer tout ça ! Mon attention a été retenue par le décès lié à la Covid-19 de Shimura Ken, immense humoriste, notre “copain d’enfance pour toujours” qui osait dire “chin chin !” à la télé ! Comme quoi il faut rester vigilants face à tous les dangers invisibles.
Koga Ritsuko