Pour s’en sortir, les autorités locales misent sur la mobilisation et la participation de la population.
Depuis plus d’un demi-siècle, les Japonais réclament qu’on mette davantage l’accent sur le développement régional afin de corriger le poids trop important pris par Tôkyô, d’enrayer le déclin de la population dans les zones rurales et d’accroître la vitalité du Japon dans son ensemble. Mais il faut se rendre à l’évidence que la situation ne changera pas de sitôt. Dès lors, il convient d’adopter une autre perspective et une autre approche au niveau des plans de développement du gouvernement et des collectivités locales. Il est essentiel pour le développement urbain durable que chaque région formule une vision d’avenir très efficace et que l’industrie, le gouvernement, le monde universitaire et le secteur privé collaborent en partageant leurs connaissances et en créant de nouvelles innovations pour résoudre cette vision. C’est là que les “ODD (Objectifs de développement durable)” entrent en jeu. Les villes situées autour d’Ishinomaki, qui ont subi d’énormes dégâts lors du tremblement de terre du 11 mars 2011 et dont la population continue de diminuer, ont fait des ODD un élément particulièrement important de leurs politiques.
La ville de Higashimatsushima, en particulier, a été l’une des premières à être sélectionnée parmi les 29 “cités du futur avec ODD” sélectionnées par le gouvernement en 2019, car elle travaille activement à la création d’une ville écologique, intelligente en termes de prévention des catastrophes et d’une cité où toutes les générations pourront vivre confortablement, et dont le potentiel est particulièrement élevé.
Higashimatsushima a mis en œuvre une “planification urbaine collaborative avec les citoyens” dès 2005, avant même le tremblement de terre. L’auto-assistance et le développement communautaire autonome de la ville, qui renforce les liens entre les habitants, ont permis de créer un environnement propice au travail et à l’éducation des enfants, et sa population diminue plus lentement que dans d’autres municipalités.
Ishinomaki entend créer “une ville de l’entraide” dans les 10 ans à venir, en créant de nouvelles industries respectueuses de l’environnement et en construisant de nouveaux moyens de transport en mesure de répondre aux défis d’une population en déclin, d’une société vieillissante avec moins d’enfants et de communautés qui ont connu la catastrophe. Après avoir été désignée comme “cité du futur avec ODD”, la ville de Higashimatsushima a été sélectionnée, en 2020, comme “Projet modèle des ODD municipaux” pour servir de référence à d’autres municipalités.
Le titre général de son plan est De la plus grande zone sinistrée à la future ville d’Ishinomaki : créer une ville durable qui se soutient mutuellement grâce à l’écomobilité et à “l’Otagaisama”. L’écomobilité est un système de mobilité publique électrique pour quatre personnes ou plus qui peut circuler sur la voie publique à une vitesse inférieure à 20 km/h. Ses émissions en carbone sont faibles et c’est un moyen de transport sûr pour les personnes âgées. Il devrait être utilisé pour les résidents et les touristes à l’avenir.
En ville, il s’agit désormais de prévenir l’isolement des personnes âgées qui se sont installées sur des terrains plus élevés ou dans de nouvelles zones urbaines après le tremblement de terre, et de leur assurer un moyen de transport. Le projet modèle permettra de coordonner les transports publics et le covoiturage local grâce à une application d’information sur les transports locaux (version locale du MaaS, “Mobility as a Service”, concept qui ambitionne de fusionner les outils de billettiques et d’information multimodale), et créera également un environnement où les résidents locaux pourront facilement se déplacer dans le cadre d’une écomobilité. En outre, le projet vise à créer des opportunités pour les ménages âgés de sortir, à prévenir l’isolement et à améliorer la santé en les reliant à des robots de communication.
Le premier test des véhicules électriques, qui roulent à faible vitesse et sont alimentés par des batteries solaires, sera effectué dans le quartier de Shinhebita, où le nombre de maisons a fortement augmenté après les relocalisations massives. Les véhicules électriques qui seront utilisés dans le cadre du projet seront fabriqués à partir de pièces détachées collectées sur des véhicules hybrides usagés. Grâce à la coopération de Toyota Tsûshô, la maison de commerce du groupe Toyota, et d’entreprises locales, le projet vise à s’établir comme une nouvelle industrie et à développer la formation grâce à la production de robots de communication par les étudiants.
Le projet doit durer trois ans pour un coût total d’environ 500 millions de yens (environ 4 millions d’euros). En plus des subventions et des aides gouvernementales, le projet sera développé avec des investissements d’entreprises.
Onagawa s’est lancé dans un projet de développement original avant l’introduction des Objectifs de développement durable. La ville a créé une ville compacte en coupant à travers les montagnes pour créer un terrain surélevé et en utilisant les remblais pour surélever le terrain derrière la zone portuaire, créant ainsi un paysage qui permet de voir la mer depuis n’importe quel point de la ville. En reflétant les opinions des jeunes, la ville a subi une certaine concentration pour lui donner un caractère “attrayant”. Le caractère unique de la ville, qui a accepté le déclin de la population sans arrière-pensées négatives et favorisé un accroissement des interactions avec la population, mérite vraiment son titre de “champion de la reconstruction”.
Afin d’assurer la revitalisation régionale en créant et en maintenant les échanges humains, il est nécessaire de créer un écosystème circulaire unique dans la région. Il est essentiel d’encourager les communautés, de composer une vision d’avenir et de créer des opportunités pour les jeunes et les enfants afin qu’ils puissent relever les défis. Le dix-septième point des ODD, selon lequel il faut “atteindre les objectifs grâce à des partenariats”, stipule que la communauté est le fondement local. Cela signifie que les 16 autres seront atteints grâce à des relations interpersonnelles, et cela montre que la collaboration est un outil puissant pour résoudre les problèmes régionaux.
En plus de donner à chacun des résidents un but et un sens à leur vie, ceux-ci peuvent également diversifier leurs approches grâce au partage des connaissances. Cela modifie à son tour la façon dont les gens abordent et pensent le travail, la famille et les activités communautaires, et a un impact positif sur l’économie. Cela permettra naturellement de renforcer les liens entre les gens et de créer un cercle vertueux dans la région. C’est également un élément fondamental dans l’avancée des ODD.
Tout cela peut sembler léger. Mais, en réalité, la ville d’Onagawa a mis en œuvre une vision claire de l’avenir avec des mesures qui mettent l’accent sur les “liens entre les habitants” et accroissent le nombre de personnes impliquées, et grâce auxquelles émerge une ville unique où les jeunes peuvent relever des défis et attirer des personnes de l’extérieur.
Le rôle des autorités est crucial dans l’émergence d’une telle communauté. Se contenter d’appeler à “développer la communauté” ne suffira pas. Elles devraient prendre l’initiative de créer des espaces de discussion de qualité où les habitants pourront engager un dialogue significatif, et de commencer par former des animateurs locaux.
Pour que la communauté se rassemble, l’administration dans son ensemble doit d’abord, elle-même, devenir une équipe. Elle est encore trop divisée. Il existe des obstacles importants entre les différents échelons et ceux-ci devraient être supprimés afin de favoriser le travail en commun. L’unité et la coopération des autorités constituent le fondement de la construction locale, et sans elles, il n’y a aucune perspective pour les Objectifs de développement durable ni la revitalisation régionale.
Yamaguchi Hiroshi, Kumagai Toshikatsu & Hirai Michiko