Depuis quelques mois, les Japonais manifestent un certain intérêt pour la cuisine venue de Corée et de Taïwan.
Les Japonais ont toujours regardé vers l’Occident, à la recherche de ce qui y est à la mode pour l’importer chez eux, qu’il s’agisse de culture, de vêtement, ou de nourriture. Mais depuis un ou deux ans maintenant, la situation est en train de changer dans le milieu de la street food japonaise et désormais, ce sont les plats venus de Corée ou de Taïwan qui attirent la jeune génération nippone.
Le Ji pai, le kara’age taïwanais, avec sa panure croustillante et ses saveurs épicées, a conquis les consommateurs grâce aussi à son impact visuel. La viande que l’on frappe pour la rendre plus fine et plus longue, à la manière d’une escalope milanaise, est en effet très “instagrammable”. Quant au Xian Kao Dan Gao, sorte de castella taïwanais, il a tout pour plaire aux Japonais : une texture aérienne et fondante, comme un soufflé, un goût tout doux de lait et d’œuf… Le macaron à la coréenne, le touncaron (“gros macaron” en coréen) a également trouvé sa place parmi les vedettes. Il diffère du macaron classique par sa taille, les variétés proposées et… ses décorations kitsch. Côté salé, c’est le Cheese Kimbap qui règne en maître. Une sorte de maki fourré au fromage et au kimchi, réchauffé pour obtenir un cœur bien coulant. Ce plat, que l’on trouve dans les échoppes en Corée, rencontre un beau succès à Shin-Ôkubo, le quartier coréen de Tôkyô (voir Zoom Japon n°14, octobre 2011). Et les recettes pour le préparer à la maison pullulent sur Internet.
Les cafés “à la coréenne” sont aussi très tendance. Ce sont des endroits à “l’esthétique coréenne”, appréciés par les jeunes Japonais qui les trouvent très stylés, où l’on peut déguster les viennoiseries qui concourent à devenir la star de 2022.
Certes, ce phénomène ne se limite pas au Japon. Durant la pandémie, de nombreux pays se sont entichés de plats populaires et réconfortants. Le bao, les râmen (voir Zoom Japon n°26, décembre 2012) ou le curry (voir Zoom Japon n°107, février 2021) sont aujourd’hui très prisés, même dans les pays anglo-saxons. Mais peut-être ces plats consolaient-ils les Japonais en particulier, qui ne pouvaient plus voyager dans les pays voisins, leurs destinations favorites avant la pandémie ?
On pourrait également dire que ce n’est qu’un effet de mode, que cette tendance ne va durer que le temps que les images courent sur les réseaux sociaux, jusqu’à ce qu’on s’en lasse. Peut-être. Mais le plus intéressant, c’est que ces spécialités ne sont pas complètement inconnues au Japon. Elles appartiennent pour certaines au répertoire japonais comme le poulet frit, les maki, ou à la pâtisserie occidentale, déjà répandue dans le pays du Soleil-Levant, à l’image du macaron. Pourtant, cette relecture permet à ces mets populaires et classiques, voire banals, d’apparaître sous un jour nouveau et de passionner les jeunes Japonais.
Les informations circulent aujourd’hui à la vitesse de l’éclair, et les plats “invités” dans différents pays peuvent connaître des évolutions propres à chaque contrée. Et c’est avec ces allers-retours et ces échanges autour d’un même plat, plus que des inventions pures et dures, que la cuisine va vivre désormais. C’est précisément cela qui est réjouissant.
Sekiguchi Ryôko