Célèbre pour avoir résisté au changement à la fin du XIXe siècle, la cité entretient son image de cité rebelle.
Il y a plus d’une vingtaine d’années, la ville de La Rochelle avait choisi comme slogan “ville belle et rebelle”. Il s’agissait de souligner la beauté de la ville et rappeler qu’elle avait connu une histoire pour le moins mouvementée. Aizu-Wakamatsu, qui se trouve au cœur de la préfecture de Fukushima, aurait pu choisir la même phrase pour attirer les touristes en quête d’authenticité et d’une histoire qui résume à elle seule la difficile période de transition qui s’est opérée à la fin du XIXe siècle lorsque le pays a décidé de tourner le dos au shogunat pour redonner toute sa place à l’empereur. Cela a donné lieu à plusieurs actes de rébellion dans le pays, notamment à Aizu-Wakamatsu. La guerre de Boshin qui débuta en janvier 1868 est le principal événement de cette séquence historique. Celui-ci se traduisit par la destruction du Tsuruga-jô (8 h 30 – 17 h, 410 yens), château bâti en 1384 et finalement reconstruit à l’identique au milieu des années 1960. Comme d’autres bâtisses de ce genre, il abrite désormais un musée consacré à son passé glorieux. Au cinquième et dernier étage de son donjon, une galerie d’observation en extérieur a été aménagée, offrant une belle vue sur la ville. Le château demeure, avec sa toiture traditionnelle de tuiles rouge, l’un des symboles de la cité rebelle où les amateurs d’histoire peuvent découvrir le rôle crucial joué par les samouraïs.
Personne n’incarne mieux cette détermination et cet esprit de sacrifice que la Brigade des tigres blanc (Byakkotai), une unité composée de quelque 305 jeunes samouraïs qui s’est illustrée lors de cette phase historique et dont certains ont combattu, jusqu’à la mort, pour leurs idéaux. Lorsqu’ils virent le château en flamme et crurent que leur cause était perdue, plusieurs d’entre eux décidèrent de se donner la mort selon la tradition, en se faisant seppuku et en criant : “le château est tombé, nous devons suivre notre seigneur.” Au sommet du mont Iimori, qui surplombe la ville, et offre un magnifique panorama sur le château, le visiteur pourra découvrir les 19 tombes de ces jeunes guerriers qui sont devenus le symbole de l’esprit samouraï. Leur histoire a fait l’objet de nombreux récits adaptés au cinéma et à la télévision, permettant à la cité de devenir un lieu de pèlerinage pour les nostalgiques d’un Japon habité par des héros prêts à se sacrifier pour une cause. Chaque année, les 24 avril et 24 septembre, on peut assister à une danse du sabre exécutée par des élèves de la ville lors d’une cérémonie destinée à rappeler ce moment fort de l’histoire locale. Au même endroit, on trouve le Sazae-dô (8 h 15-17 h et 9 h-17 h de décembre à mars, 400 yens). Conçu par le moine Ikudô dont une statue en bois se trouve à l’entrée, il doit son nom à l’escargot de mer, sazae en japonais, en raison de sa structure interne en colimaçon unique dans cette partie du Japon. Son escalier à double révolution en bois rappelle celui du château de Chambord en pierre qui permet aux visiteurs qui montent et à ceux qui descendent de ne pas se croiser.
En observant l’imposant château depuis le mont Iimori, on peut comprendre l’impression qu’il a pu laisser sur cette jeunesse qui avait été formée au sein de l’école du clan Aizu (9 heures – 17 heures,
620 yens) située alors à Nisshikan, petite cité qui a été depuis absorbée par Aizu-Wakamatsu. Les enfants y entraient dès l’âge de 10 ans. Ils y suivaient des travaux académiques et y pratiquaient des exercices physiques, dont des arts martiaux, pour leur inculquer discipline physique et mentale. De nombreux talents sont sortis diplômés de cette école. Formés selon des règles strictes et une philosophie inspirée par les classiques chinois, les enfants ont reçu un enseignement moral dont l’un des mantras “vivre dans la vertu sans chercher le profit” permet de comprendre l’esprit de sacrifice qui a animé ces jeunes gens lorsqu’il a fallu s’engager pour défendre les valeurs qui leur apparaissaient comme les plus nobles. Lorsqu’on visite Nisshikan, on peut ressentir cette atmosphère à travers des activités proposées comme le tir à l’arc japonais (kyûdô), la pratique du zazen (méditation zen). Vous n’en sortirez pas forcément avec l’âme d’un samouraï, mais vous aurez l’impression d’avoir fait un pas dans la bonne direction en vous rappelant que l’un des enseignements fondamentaux était : “ne fais pas ce qui ne doit être fait”.
Pour poursuivre l’immersion et comprendre les rapports de force en présence au moment de la guerre de Boshin, il convient de se rendre au musée consacré au Shinsengumi (10 h-17 h, 300 yens), cette force au service du shôgun, dont les principes moraux et le respect à l’égard du code du guerrier (bushidô) lui valent une grande notoriété. Situé dans un ancien entrepôt de la rue Nanokamachi, construit en 1889, il est divisé en deux parties avec un magasin d’antiquités appelé Mukashiya au rez-de-chaussée, et le musée proprement dit au premier étage. On y trouve des documents anciens sur le clan Aizu, le Shinsengumi, et les armées qui s’affrontaient. Il y a plusieurs sites historiques à proximité : la tombe de Saitô Hajime, chef du Shinsengumi, et l’auberge Shimizuya, où Hijikata Toshizô, autre figure du Shinsengumi, a séjourné.
Pour plonger un peu plus profondément dans le temps, juste avant qu’Aizu-Wakamatsu n’exprime son esprit rebelle, rendez-vous à Ôuchi-juku. Ville étape sur la route Shimotsuke Kaidô, l’une des plus fréquentées pour se rendre à Edo jusqu’au milieu du XIXe siècle, elle a conservé de nombreux bâtiments d’époque dans un cadre magnifique quelle que soit la saison. Situé à une trentaine de minutes en train d’Aizu-Wakamatsu via la compagnie Aizu Railway jusqu’à la gare de Yunokami Onsen, Ôuchi-juku est l’endroit idéal pour finir sa découverte d’Aizu-Wakamastu, d’autant plus qu’il existe tout autour plusieurs sources d’eau chaude qui sauront réveiller le rebelle qui sommeille en vous.
Odaira Namihei
Pour s’y rendre
Au départ de Tôkyô, empruntez le Tôhoku Shinkansen jusqu’à la gare de Kôriyama, puis prenez la ligne Ban’etsu-sai jusqu’à la gare d’Aizu-Wakamatsu. Comptez environ trois heures.