
Daruma décorés avec des coupures extraites du Fukushima Minpô. Ces figurines ont pour vocation d’exaucer les vœux de leur propriétaire. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Le premier quotidien régional a sutirer les leçons de sa longue histoire pour rester au service de ses lecteurs. Principal quotidien de la préfecture de Fukushima, le Fukushima Minpô a des origines illustres puisqu’il a été lancé, en 1892, par des membres du Mouvement pour la liberté et les droits du peuple qui défendaient la formation d’un parlement élu, la révision des traités inégaux avec les Occidentaux, et l’institution des droits civils. Le politicien local Kôno Hironaka était l’un des membres fondateurs du Jiyûtô (parti de la liberté) en 1881 et a contribué à la création du journal. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que le Minpô a renoncé à toute affiliation politique.Bien qu’il bénéficie des contenus de Kyôdô News et de Jiji Press, les deux principales agences de presse du pays, le journal est fier de produire la plupart de ses articles en interne, sans dépendre autant de leurs services que les journaux d’autres préfectures. “Un autre élément assez unique est notre Bureau de développement régional”, explique Anzai Yasushi, le rédacteur en chef du quotidien. “Il sert de point de contact avec les lecteurs et les autres groupes de Fukushima. C’est quelque chose que les autres entreprises n’ont pas.”Pour produire ce remarquable contenu, le Fukushima Minpô emploie 120 reporters, dont 74 sont basés au siège, dans la ville de Fukushima. Les autres sont répartis entre les trois principales succursales du journal à Kôriyama, Aizu-Wakamatsu et Iwaki et d’autres sites, y compris à Tôkyô. Au total, le journal emploie 325 salariés. La première page du premier numéro du Minpô. / Fukushima Minpô “Jusqu’à récemment, nous n’avions presque aucune femme reporter, mais depuis une dizaine d’années, de nombreuses étudiantes fraîchement diplômées ont rejoint l’entreprise, et aujourd’hui la moitié de nos journalistes, voire un peu plus, sont des femmes”, explique le directeur de la rédaction. “Par le passé, nous donnions la priorité aux hommes car l’opinion générale dans le secteur de l’information était que les femmes ne pouvaient pas supporter des conditions de travail aussi difficiles. Aujourd’hui, au contraire, elles sont considérées comme un élément essentiel du journal et nous apprécions beaucoup leur contribution. De plus, pour être honnête, il est vrai qu’en moyenne, les femmes obtiennent de meilleures notes et sont plus performantes lors de nos examens d’embauche.”Parmi les journalistes, il y a aussi un reporter spécialisé dans les courses de chevaux, ce qui est rare parmi les journaux locaux. “Ce reporter, Takahashi Toshiyuki, est mon ancien camarade de lycée, ce qui signifie qu’il a 58 ans, comme moi, et il n’y a personne actuellement qui puisse lui succéder lorsqu’il prendra sa retraite, alors je ne sais pas ce qu’il en sera dans une dizaine d’années”, confie Anzai Yasushi.Fukushima attire beaucoup les turfistes, même des préfectures environnantes, car son hippodrome, qui date de 1918 et qui se trouve à 30 minutes de marche de la gare, est le seul endroit de la région du Tôhoku où se déroulent d’importantes courses de chevaux. “Il a donc été décidé d’ajouter une page sur les courses de chevaux à notre section sportive afin de fournir des informations, des pronostics et les résultats. Même dans notre entreprise, il y a pas mal d’employés qui s’intéressent aux courses de chevaux, et quand un événement important a lieu, les auberges, les hôtels et les restaurants de Fukushima sont toujours bondés. On peut dire que les courses de chevaux contribuent à la prospérité de la ville.” La culture du cheval a une longue histoire à Fukushima. Les éleveurs locaux approvisionnaient les samouraïs et même après la restauration Meiji (1868), plusieurs endroits de la préfecture ont continué à fournir des chevaux aux militaires. A la même époque, les courses de chevaux traditionnelles, liées à l’origine aux festivals religieux, se sont occidentalisées et plusieurs établissements de la préfecture ont commencé à élever des chevaux pour les courses et l’entraînement. Les festivals liés aux chevaux ont survécu jusqu’à ce jour, le plus populaire étant le Nomaoi de Sôma qui se tient chaque été à Minami-Sôma (voir Zoom Japon n°58, mars 2016). Anzai Yasushi dirige la rédaction du premier quotidien régional depuis 3 ans. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Le Fukushima Minpô a un tirage d’environ 222 000 exemplaires et, selon Anzai Yasushi, son lectorat est principalement composé de personnes d’âge moyen et de personnes âgées qui vivent dans des petites villes, des villages et des zones montagneuses. “Ce sont nos lecteurs les plus assidus. Ils lisent notre journal depuis de nombreuses années et ont continué à nous soutenir dans les moments difficiles. Avant le tremblement de terre et l’accident nucléaire en 2011, par exemple, nous vendions plus de 300 000 exemplaires. Après le 11 mars, nous avons perdu 60 000 abonnés d’un seul coup à cause des évacuations. Puis d’autres personnes ont quitté Fukushima et la population a diminué pour de nombreuses raisons. Mais nous sommes toujours le quotidien le plus vendu de la préfecture”, assure-t-il.Bien que la diffusion soit en baisse, la distribution de centaines de milliers d’exemplaires jour après jour reste une tâche difficile, rendue encore plus ardue par le manque de personnel. “A Fukushima, comme partout ailleurs au Japon, la distribution des journaux est confiée à un système de petits revendeurs locaux qui passent un contrat avec chaque entreprise pour livrer leurs titres et collecter l’argent. C’est un système qui maintient le système de portage à domicile et qui est la principale raison du taux élevé d’abonnement aux journaux au Japon. Le problème est que moins de personnes choisissent de travailler comme livreurs à temps partiel et, en plus, les personnes qui gèrent ces magasins vieillissent et sont difficiles à remplacer”, regrette-t-il. Résultat, en octobre 2021, il n’y avait plus que 14 276 entreprises de portage dans tout le pays, soit une diminution de 4 560 par rapport à la décennie précédente. “Pour compenser cette situation, nous sommes actuellement aidés par des sociétés de promotion publiques établies par les collectivités locales et les sociétés de développement communautaire. Elles vendent généralement des souvenirs et gèrent des installations publiques, et notre entreprise a réussi à obtenir qu’elles distribuent notre journal. La même chose s’est produite avec le groupe JA, la principale organisation de coopératives au Japon. Dans les zones rurales ou de montagnes, où la distribution est particulièrement difficile et où le coût de la livraison de porte à porte est plus élevé que dans les zones urbaines, nous payons les distributeurs un peu plus pour leurs efforts. L’hiver, bien sûr, est la saison la plus difficile à cet égard, car le journal est livré aux petites heures et de nombreuses routes sont gelées, si bien que nous commençons à imprimer plus tôt que d’habitude pour que les exemplaires parviennent à temps aux concessionnaires”, ajoute Anzai Yasushi. La Fukushima Minpô a la particularité de proposer une page consacrée aux courses de chevaux. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Internet est un autre moyen de rendre le quotidien plus visible pour les lecteurs potentiels, pourtant le rédacteur en chef confesse qu’il a tardé à embrasser la numérisation. “Même parmiles quotidiens locaux, j’ai bien peur que nous arrivions en queue de peloton. Finalement, en avril dernier, nous avons lancé le département de promotion DX et nous procédons actuellement à la numérisation du journal. Une nouvelle version électronique améliorée est en cours d’élaboration et sera prête d’ici la fin de l’année”, explique-t-il. Tout en reconnaissant la nécessité de s’adapter à l’évolution des temps, le directeur de la rédaction maintient que l’une des missions...