Les huîtres d’Ishinomaki ont été exportées en France au moment où une épidémie décimait ses parcs ostréicoles.
Quand un Japonais aide quelqu’un, il utilise l’expression “Otagaïsama” pour éviter de blesser et de gêner les personnes à qui on apporte son soutien, une façon de dire “Face aux difficultés, nous sommes tous dans la même galère”. De cette expression pleine de chaleur et de gentillesse, on ressent la multiplicité de liens humains qui nous réconfortent les uns les autres.
Après le terrible séisme qui a frappé l’est du Japon, la ville d’Ishinomaki totalement anéantie, a reçu, du monde entier, une aide précieuse. Tous ces soutiens ont encouragé les habitants en leur faisant espérer un lendemain meilleur. Si la France a dépêché des équipes de secours et nous a fait parvenir une aide financière ainsi que du matériel et de la nourriture, etc. c’est le matériel d’ostréiculture qui a représenté, pour les pêcheurs, un soutien on ne peut plus stimulant.
Avec une production d’huîtres en 2012 d’environ 160 000 tonnes, le Japon se situe au 4ème rang mondial. La France qui en a produit environ 80 000 tonnes se place au 5ème rang. La préfecture de Miyagi où se situe la ville d’Ishinomaki est l’un des principaux lieux de production d’huîtres. Ses larves, réputées pour leur excellente qualité, fournissent aussi bien le marché intérieur que l’international.
Si les habitants d’Ishinomaki et les Français partagent en commun l’amour des huîtres, ce n’est pas seulement en tant que consommateurs mais bien davantage. Ils partagent une histoire… de solidarité en tant que producteurs. Dans les années 1960/70, alors qu’une épidémie décimait les huîtres françaises, ce sont les huîtres d’Ishinomaki qui ont sauvé les producteurs français.
A cause d’une épidémie, l’Ostrea edulls qui occupait pratiquement 100 % du marché français à cette époque a failli disparaître à cause d’une épidémie. Les producteurs français étaient partis dans le monde entier à la recherche d’une huître pouvant la remplacer et c’est finalement au Japon qu’ils l’ont trouvé. Ils ont surtout découvert que la Grassostra gigas cultivée dans la région du Tôhoku, notamment à Ishinomaki, était très résistante à la maladie.
Si en France, fière de sa tradition ostréicole, l’introduction d’une espèce étrangère a pu susciter un vif débat, finalement, la décision a été prise d’importer la Grassostra gigas sauvegardant ainsi sa production et sa culture culinaire.
Ces huîtres dont l’ADN puise son origine dans les fortes houles des côtes à rias d’Ishinomaki ont pris aussi racine dans les mers françaises. Son goût a séduit le palais des Français et dans les années 80, 99% des huîtres vendues sur le marché français étaient d’origine japonaise.
Depuis que l’épidémie touchant les huîtres en France sévissait tous les dix ans, ce sont les larves de la préfecture de Miyagi, notamment celles d’Ishinomaki qui ont été importées.
C’est ainsi qu’en 2011 alors que les formalités douanières s’achevaient et que les larves étaient sur le point d’être expédiées en France, le 11 mars, est survenue la catastrophe. Les tsunamis ont déferlé sur les côtes en détruisant tout. La ville d’Ishinomaki où les dégâts ont été les plus importants, 3176 habitants ont perdu la vie et 425 ont été portés disparus. De plus, beaucoup de personnes ont perdu à peu près tout ce qu’ils possédaient: leur maison, leur bateau et leur installation ostréicole en mer…
A Ishinomaki, ce sont souvent des gens âgés qui étaient ostréiculteurs. Après avoir perdu leur bateau et tout leur matériel, beaucoup renoncèrent à reprendre la production d’huîtres.
Le gouvernement français et les producteurs français leur ont tendu la main. Des producteurs du sud de la France, eux aussi, les ont rejoints “Nous devons beaucoup aux gens de Miyagi qui nous ont tant aidés pour l’importation des larves”. Diverses associations des deux pays avaient collaboré avec ces gens, c’est ainsi que des fonds et du matériel ont pu être offerts sous diverses formes aux producteurs et aux laboratoires de recherches.
Parmi ces institutions, la société franco japonaise d’océanographie a offert au Centre des techniques de production maritime de Miyagi, des microscopes stéréo et bio-microscopes utilisés pour des études de larves indispensables à l’ostréiculture. Ces matériels sont arrivés à temps, juste avant le début du ramassage des larves qui se fait pendant la courte période d’été. Cela a grandement facilité la reprise des cultures d’huîtres.
Le local de la Coopérative industrielle de pêche de la préfecture de Miyagi a reçu, dans le cadre du “Projet français Merci Miyagi”, des cordes servant à construire des radeaux d’élevage. Ses membres se souviennent “Cela a été une aide vraiment précieuse d’avoir reçu ce dont on avait le plus besoin, alors que l’on n’avait plus rien après le séisme”. Et ils remercient les Français “Si on n’était pas arrivé pas à reprendre l’élevage d’huîtres, beaucoup d’entre nous auraient sûrement renoncé à vivre de la mer et on ne serait pas arrivé au même niveau de reconstruction que maintenant”.
Un pêcheur d’Ishinomaki raconte : “ Je ne suis jamais allé en France et je n’ai jamais rencontré de Français, mais je sais que dans ce pays lointain, il y a des gens qui élèvent des huîtres comme moi et qui en mangent et les apprécient. Ils nous ont aidés lors du séisme, c’est pourquoi je vais m’efforcer à faire renaître l’élevage japonais d’huîtres pour répondre à leur générosité” . Tout en pensant aux camarades français à 9000 km d’ici, son regard se porte sur l’horizon lointain tout en esquissant un sourire.
En repensant à l’expression “ Face aux difficultés, nous sommes tous dans la même galère”, on peut dire aujourd’hui qu’une culture culinaire entre nos deux pays a bien pris forme.
Akiyama Yuhiro