A une quinzaine de kilomètres de la ville de Kôchi, ce bourg relève le défi du vieillissement avec imagination.
Alors que la question du dépeuplement et du vieillissement des campagnes constitue un sujet de préoccupation majeur pour la préfecture, il existe peut-être des raisons de croire à une évolution positive, du moins lorsqu’on se rend à Hidaka, un gros bourg situé à moins d’une heure en train de la ville de Kôchi et à une trentaine de minutes en voiture, où l’on est apparemment bien décidé à ne pas baisser les bras. Le village s’étend sur une large zone qui comprend une plaine rizicole, des montagnes boisées, les rivières Kusaka et Niyodo, un lieu idyllique pour ceux qui aiment la nature et veulent la mettre en valeur. Tokaji Yasuaki travaille à la mairie où il a pour mission d’élaborer des projets de développement grâce auxquels Hidaka ne connaîtra pas un destin funeste. “Ce n’est pas facile”, reconnaît-il. Toutefois, il se veut optimiste car le village a la chance de pouvoir compter sur des citoyens bien décidés à assurer son avenir.
La diversité des initiatives prises ces dernières années a largement contribué à éviter le dépérissement annoncé de cette région agricole. Lorsqu’on arrive à la gare de Kusaka, on est impressionné par la présence de nombreuses serres qui côtoient les rizières. “Cela représente une partie de notre trésor”, confie M. Tokaji, sourire aux lèvres tandis qu’il nous entraîne à la rencontre de Miyoshi Ryô et de son épouse Mika. Ces deux agriculteurs cultivent ce qui pourrait être considéré comme “l’or rouge” de Hidaka, la tomate. Plus sucré que la moyenne et possédant une robe écarlate, ce fruit est devenu, ces dernières années, le produit de référence du village qui en plus de le produire, le transforme et le décline sous différentes formes. A la boutique du village où les habitants de la région viennent s’approvisionner, on trouve à la fois les tomates fraîchement cueillies, diverses sauces tomate, du ketchup et même la Tosa Beer Hidaka de Tosaco, une ale à base de tomate.
A la tête de leur exploitation, les Miyoshi n’ont pas le profil habituel des agriculteurs japonais actuels qui, pour la plupart, ont dépassé la cinquantaine et se demandent s’ils trouveront des successeurs. Ryô et Mika sont jeunes, ont le sourire communicatif et ils appartiennent à cette relève sans laquelle le Japon ne sera plus en mesure de se nourrir. Aujourd’hui, il ne produit que 38 % des calories consommées par sa population. Il s’agit du niveau d’autosuffisance alimentaire générale le plus bas parmi les pays du G7. Pour s’en sortir, il doit favoriser l’installation de jeunes agriculteurs comme les Miyoshi qui ont choisi de quitter Tôkyô pour une qualité de vie meilleure. Après avoir fait leurs études à l’Université d’agriculture de la capitale, ils ont répondu au programme de revitalisation régionale soutenu par le gouvernement et décidé de s’installer à Hidaka pour y cultiver la tomate et y fonder leur famille. Le couple s’est installé dans une partie un peu reculée du village où ils entretiennent avec leurs voisins plus âgés des relations sans lesquelles leur présence ne se limiterait qu’au seul intérêt économique. “Nous aimons notre vie ici”, affirme Mika en évoquant leur voisine âgée qui joue le rôle de grand-mère pour leurs enfants. “Hidaka est un lieu vivant où l’on sent une certaine énergie”, ajoute son mari Ryô.
On s’en rend compte lorsqu’on quitte la plaine pour prendre un peu d’altitude. A une petite dizaine de kilomètres de là, à proximité de la rivière Niyodo, se trouve la plantation de thé Kiriyama (www.kiricha.com) où l’on produit l’un des meilleurs thés du Japon. Il a la particularité d’être cueilli au printemps et stocké à basse température, et après les mois d’été, il atteint sa maturité qui lui procure une saveur profonde et unique et lui vaut d’attirer de nombreux clients curieux d’en apprendre davantage sur ce breuvage et ses caractéristiques liées à la région. D’ailleurs, Hidaka ne se limite pas à ses produits agricoles d’exception. Tokaji Yasuaki rappelle aussi que le tourisme est un autre élément sur lequel le village peut s’appuyer pour pérenniser son développement. Ici, on ne parle pas de tourisme de masse, mais plutôt d’un éco-tourisme adapté à la douceur de vivre qui émane des lieux. La variété des paysages est une invitation à les découvrir en prenant son temps. Les rives de la Niyodo ne manquent pas de charme et selon le moment de l’année où l’on s’y trouve, on peut voir combien cette rivière est un élément essentiel de la région. Son débit est parfois tellement imporant que l’on a construit des ponts submersibles comme celui de Nagoya dont les 191 m en font le plus long du cours inférieur de la Niyodo. En dehors de ces moments impressionnants, la rivière peut être explorée à bord de yakatabune, ces bateaux de plaisance traditionnels, grâce auxquels on prend justement le temps d’apprécier la beauté de cette région qui mérite d’être mieux connue.
Parmi ceux qui se battent pour donner au village un peu plus de visibilité, il y a Matsukura Haruka qui répond à sa manière à l’une des faiblesses de Hidaka, son manque d’infrastructures hôtelières. Elle a créé Yadoya Mysato (www.yadoya-mysato.com), une maison de deux pièces entièrement rénovée qu’elle propose à la location. Située à 10 minutes à pied de la gare de Kusaka et faisant face à de magnifiques rizières, cette maison qui peut accueillir jusqu’à 4 personnes est l’endroit idéal pour partir à la découverte de Hidaka, ce village exemplaire qui refuse la fatalité du vieillissement accéléré. En vous promenant dans ce petit coin de paradis, vous croiserez peut-être les sémillants Miyoshi, l’entreprenant Tokaji Yasuaki et tous les autres villageois qui le défendent en s’ouvrant au regard des autres.
Odaira Namihei