
Malgré la tendance à une fermeture des petites lignes, la préfecture conserve un réseau local qui mérite le détour.
On ne le répétera jamais assez, mais la meilleure façon de voyager au Japon reste le train. Bien qu’en s’y prenant à l’avance et en s’organisant, il soit désormais de plus en plus facile de louer des voitures, le chemin de fer demeure un moyen de transport fiable et pratique pour découvrir le Japon à la fois dans sa dimension paysagère et au niveau social puisque le visiteur est en contact direct avec la population locale. Il faut sans doute en profiter car les compagnies ferroviaires ont entrepris depuis plusieurs années de fermer les lignes jugées non rentables ou envisagent, toujours pour des raisons économiques, de ne plus en exploiter d’autres, même lorsque ces voies de transport pourraient connaître une seconde vie grâce au tourisme. Avec un nombre record de près de 37 millions de personnes entrées sur son territoire en 2024, soit 47,1 % de plus que l’année précédente, le Japon a retrouvé le rythme de croissance touristique qui était le sien avant la crise sanitaire, ce qui pourrait constituer une très bonne nouvelle pour les chemins de fer locaux dans la mesure où la plupart des touristes privilégient ce mode de transport pour leurs déplacements dans l’archipel.
Toutefois, l’essentiel de leur usage ferroviaire se concentre sur les lignes à grandes vitesses (shinkansen) qui desservent les destinations touristiques les plus prisées comme Kyôto ou encore Hiroshima. Voilà pourquoi les menaces de fermeture sur certaines petites lignes, comme la ligne JR Yodo, sur l’île de Shikoku, l’une des plus belles du pays, restent d’actualité. Dans ce contexte, on peut donc se féliciter de voir des initiatives, comme celle prise par les autorités de Shiga, de favoriser le maintien voire le renforcement des lignes en difficultés dans la préfecture (voir pp. 5-8). La région a longtemps bénéficié d’une bonne desserte ferroviaire et d’investissements importants jusqu’au milieu des années 1970 lorsque la ligne Kosei entre Yamashina et Ômi-Shiotsu, exploitée alors par les chemins de fer publics, a été ouverte pour faire la jonction entre les régions du Kansai et du Hokuriku. Elle avait pour ambition de se substituer à la ligne Kôjaku entre Hama-Ôtsu et Ômi-Imatsu construite au début du XXe siècle. Cette dernière longeait le lac Biwa et desservait notamment le sanctuaire de Shirahige, l’un des hauts lieux spirituels de la préfecture enregistré comme bien culturel important et dont le torii planté dans le lac constitue un magnifique symbole. Depuis son démantèlement en 1969 et la disparition de la gare de Shirahige à la même époque, la ligne a été remplacée par une route. Pour se rendre au sanctuaire, il faut prendre un taxi à la gare d’Ômi-Takashima sur la ligne JR Kosei et faire très attention à la circulation lorsqu’on veut prendre des photos et ce malgré l’installation d’une plate-forme qui permet de photographier le torii sans avoir à traverser.

Outre la ligne JR Kosei qui circule le long de la rive occidentale du lac Biwa, il existe une autre ligne JR sur la rive orientale, la ligne JR Biwako entre Kyôto et Maibara grâce à laquelle les possesseurs du JR Rail Pass peuvent accéder à certains sites touristiques, comme le château de Hikone, sans avoir à débourser d’argent supplémentaire. Mais pour vraiment prendre le pouls de la préfecture, du moins dans sa partie située à l’est du lac Biwa, rien ne vaut d’emprunter les trains des Chemins de fer d’Ômi (Ômi Tetsudô), une compagnie fondée en 1896 qui a rejoint le groupe Seibu pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour les voyageurs en provenance de Tôkyô par le train à grande vitesse et qui souhaitent éviter le tourisme de masse, devenu la caractéristique de Kyôto, il suffit de descendre à la gare de Maibara, de se diriger vers la sortie est où ils trouveront la petite gare de Maibara gérée par les Chemins de fer d’Ômi. A partir de là, c’est un autre Japon qui s’offre au regard des voyageurs. C’est à la fois une plongée dans le temps et une découverte du quotidien loin des shinkansen bondés de touristes ou d’hommes d’affaires. Bienvenue au Japon, pourrait-on dire. Les Chemins de fer d’Ômi exploitent trois lignes. La principale, longue de 47,7 km, entre Maibara et Kibukawa, dessert aussi le château de Hikone, l’un des 12 derniers châteaux authentiques du pays. Même s’il n’est pas aussi majestueux que celui de Himeji (voir Zoom Japon n°4, octobre 2010), il a le privilège comme lui d’être un “trésor national”. Il bénéficie également d’un jardin japonais qui offre une tranquillité si appréciable que l’on l’on comprend pourquoi le cinéaste Yamada Yôji (voir Zoom Japon n°49, avril 2015) a choisi d’y poser sa caméra en 1982 pour y tourner quelques scènes du 29e volet de la série cinématographique Otoko wa tsurai yo (voir Zoom Japon n°116, décembre 2021). A trois arrêts de la gare de Hikone se trouve celle de Takamiya où l’on peut emprunter les 2,5 km de la deuxième ligne des Chemins de fer d’Ômi, la ligne Taga qui dessert le fameux sanctuaire éponyme fondé en 620, à la gare de Taga Taisha-mae. Sans l’existence de cette courte voie ferroviaire, ce magnifique sanctuaire consacré à la longévité, aux mariages réussis, à la fertilité et à la chance serait complètement oublié alors même qu’il dispose de quelques trésors à l’instar du Taikobashi [pont du tambour] réputé pour assurer une longue vie à ceux qui l’enjambent. Outre le sanctuaire lui-même, il est plaisant de se promener dans la petite cité qui l’entoure pour découvrir une facette du Japon bien différente de celle rencontrée dans les grandes villes.

Après être retourné à Takamiya, en reprenant la ligne principale en direction de Kibukawa, les trains des Chemins de fer d’Ômi vous permettent d’admirer la campagne et aussi de côtoyer quelques monuments de l’histoire ferroviaire du pays notamment entre Echigawa et Gokashô lorsque le train traverse le pont métallique au-dessus de l’Echigawa. D’inspiration britannique, il fut construit pendant la période Meiji (1868-1912) et est inscrit comme bien culturel national. A Yôkaichi, il est possible de changer pour la ligne Yôkaichi (9,3 km), troisième tronçon des Chemins de fer d’Ômi qui vous entraîne jusqu’à Ômi-Hachiman d’où l’on peut reprendre la ligne JR Biwako vers Kyôto. La gare de Shin-Yôkaichi qui se trouve à 600 mètres de celle de Yôkaichi vaut qu’on s’y arrête. Construite en 1913, sa structure en bois en fait l’un des joyaux de l’architecture ferroviaire de la région. Avant d’être une gare, le bâtiment fut le siège des Chemins de fer Konan avant leur fusion avec les Chemins de fer d’Ômi. En prenant les petits trains de cette compagnie, les visiteurs entreprennent bel et bien un voyage dans le temps. Voilà une très bonne raison de passer du temps dans la préfecture de Shiga.
Odaira Namihei



