Le Musée d’Edo-Tôkyô a ouvert ses portes en mars 1993. Vingt ans plus tard, il a réussi à devenir incontournable. Lorsqu’on se promène dans Tôkyô, il est difficile de s’imaginer comment la capitale japonaise était il y a encore un siècle. A la différence de la plupart des autres grandes villes de la planète, il reste peu de lieux susceptibles de nous éclairer sur ce qu’était la vie dans cette cité qui fut pendant longtemps la plus grande ville du monde à une époque où Paris et Londres rivalisaient pour déterminer celle qui était le véritable centre du monde. Les catastrophes naturelles comme le grand tremblement de terre du Kantô en septembre 1923, les raids aériens de la Seconde Guerre mondiale comme ceux de mars 1945 ont eu raison de la quasi totalité des quartiers. La reconstruction, les chantiers liés à la modernisation de la ville et à l’accueil des Jeux Olympiques de 1964 ont achevé de bouleverser le paysage urbain. Nombre de quartiers qui avaient commencé à se reconstituer après la guerre ont été complètement défigurés par de grands travaux d’aménagement. Certaines rivières ont disparu, les trams ont laissé la place au métro et les autoroutes surélevées ont recouvert les canaux et certains lieux historiques comme Nihonbashi, le pont d’où partaient les principales routes du pays. Dès lors, il a été très difficile pour les habitants de la ville de se forger une identité fondée sur une histoire à laquelle il était difficile de rattacher des lieux. D’autant plus que la capitale a accueilli à partir des années 1950 une très forte population venue de province pour travailler dans l’industrie qui se concentrait autour d’elle. Il n’est donc pas étonnant aujourd’hui que beaucoup de personnes associent l’histoire de Tôkyô à des lieux comme la gare d’Ueno qui fut pendant des années le point d’entrée des migrants originaires du nord de l’archipel. Il reste bien ici et là quelques vestiges du passé, mais ils ne sont pas concentrés comme ils peuvent l’être dans d’autres capitales du monde. Les rares quartiers qui ont conservé la géographie et l’atmosphère du passé sont vénérés par les Tokyoïtes. C’est le cas du quartier de Shibamata, au nord-est de la ville. Il a d’ailleurs été encensé par le cinéaste Yamada Yôji qui en a fait le lieu de naissance de son célèbre personnage Tora-san, héros de la série cinématographique la plus longue de l’histoire (48 films) Otoko wa tsurai yo [C’est dur d’être un homme !]. Dans ces conditions, on comprend pourquoi les responsables de la ville, en particulier le gouverneur Suzuki Shun’ichi, ont fini par se dire qu’il fallait combler ce manque et offrir à la capitale japonaise un musée susceptible de répondre au défi d’aider ses résidents à s’approprier son histoire pour en devenir fiers et surtout se sentir partie prenante de son développement. Il n’est pas étonnant non plus qu’on lui ait donné le nom de Edo-Tôkyô Hakubutsukan (Musée d’Edo-Tôkyô) pour bien souligner l’importance de remonter dans le temps. Il n’est enfin pas surprenant que les promoteurs de ce projet aient choisi de l’implanter dans le quartier de Ryôgoku, quartier populaire, dont le pont qui porte le même nom et enjambe la Sumida, joua un rôle important. Il a aussi été rendu célèbre par les estampes. Mais Ryôgoku, c’est aussi le quartier des lutteurs de sumo, élément non négligeable de la culture japonaise. Confiée à l’architecte Kikutake Kiyonori, la réalisation du bâtiment a donné lieu à la naissance d’un lieu qui ressemble à un toit de temple posé sur d’imposants piliers. Il est difficile de passer devant sans l’apercevoir. Ouvert au public le 28 mars 1993, le musée célèbre cette année son vingtième anniversaire. Au cours de ces deux décennies, il s’est imposé auprès du public qui vient régulièrement le visiter pour découvrir ses collections permanentes, mais aussi et peut-être surtout les expositions temporaires qui sont proposées deux à trois fois par an. Le principe de base des concepteurs du projet était que le Musée d’Edo-Tôkyô soit un lieu convivial dans lequel les visiteurs se sentent chez eux afin de les amener à mieux appréhender leur histoire, confie la conservatrice Iizuka Harumi. S’il y a évidemment de nombreux objets exposés derrière des vitrines en raison de leur fragilité, les responsables du lieu ont imaginé d’inviter les visiteurs à toucher, à expérimenter certaines situations liées à l’histoire de la ville pour que...