Les nouilles en bouillon sont synonymes de réussite. En voici deux exemples à Singapour et à New York.
Même si pour les puristes, les râmen (nouilles en bouillon) n’appartiennent pas à la washoku, on ne peut pas nier la place croissante qu’elles occupent dans la diffusion de la cuisine japonaise à travers le monde. C’est particulièrement vrai en Asie où les restaurants spécialisés connaissent un succès considérable. Takahashi Ken’ichi ne dira pas le contraire. PDG de Japan Food Holdings, il a implanté sa société à Singapour et développé la franchise Ajisen Râmen dont le restaurant d’origine est situé à Kumamoto, sur l’île de Kyûshû. Il a ouvert sa première enseigne à Singapour en 1997, mais les trois premières années ont été difficiles. A l’époque, les consommateurs locaux avaient l’habitude des soupes de nouilles classiques dont les prix étaient bien inférieurs à ceux pratiqués chez Ajisen Râmen. Il lui a donc fallu patienter pour que la curiosité des clients soit éveillé. Il a aussi dû faire évoluer sa carte. Au départ, Takahashi Ken’ichi se posait comme un défenseur du goût japonais et ne proposait que des râmen comme celles qui sont préparées à Kumamoto. Il a compris qu’il ne pourrait pas attirer le chaland sans faire quelques concessions. Le résultat est là aujourd’hui. Il dispose désormais de 21 restaurants à Singapour, 3 en Malaisie, 4 en Indonésie et 2 au Vietnam. Sa société est même cotée à la Bourse de Singapour. Non content d’avoir réussi à conquérir les palais des consommateurs d’Asie du Sud-Est, il s’est lancé récemment dans la promotion d’une autre enseigne japonaise Menya Musashi dont le principal restaurant est implanté dans le quartier de Shinjuku, à Tôkyô. Cette fois, c’est le monde chinois qu’il vise. Il a déjà ouvert 6 enseignes à Hong Kong, 6 autres à Singapour et vient d’en ouvrir une en Chine populaire, à Shanghai. Comme pour Ajisen Râmen, il se pliera aux goûts locaux, tout en s’assurant que le service et l’atmosphère seront au niveau de ceux du Japon.
Cet exemple montre que la cuisine japonaise dans sa définition la plus large peut connaître une très large diffusion si elle s’ouvre à des innovations en matière de goût et de présentation. S’il est important de préserver la culture culinaire ancestrale, il ne faut pas pour autant s’arc-bouter et refuser les nouveautés au nom de la défense de la tradition. En ce sens, l’innovation de Shimamoto Keizô est particulièrement intéressante. Ce Japonais-Américain de 35 ans a d’abord fait fortune dans la finance avant de se rendre au Japon pour apprendre l’art de cuisiner de bons râmen. Devenu un “ambassadeur des nouilles japonaises” grâce à son blog Go Ramen!, il est retourné en Amérique, du côté de New York, pour lancer son Ramen burger. Une tranche de viande hachée bien préparée entre deux petits paquets de râmen préalablement cuites et légèrement grillées pour les rendre plus compactes. Voilà le secret de cette innovation qui a séduit les New Yorkais. Sa recette et l’engouement qu’elle suscite lui a valu de faire l’objet de nombreux articles de presse et d’être invité sur les plateaux de télévision. Il cherche aujourd’hui à la diffuser. Peut-être un jour rejoindra-t-il Takahashi Ken’ichi au sommet.
Odaira Namihei