
Kamo no Chômei, grand nom de la littérature classique japonaise, est un moine bouddhiste du XIIème et XIIIème siècle. A la fin de sa vie, il décide de se retirer du monde et de vivre en ermite dans les montagnes non loin de Kyôto. Il s’y construit une petite cabane aux murs de terre et au toit en bambou. C’est là qu’il écrit le Hôjôki, traduit en français par “notes de ma cabane de moine”, une œuvre poétique majeure dont le nom sera probablement familier aux amateurs de littérature classique japonaise.
Le Hôjôki ne peut être dissocié de son époque, marquée par de profonds bouleversements politiques, des catastrophes naturelles et des guerres de pouvoir. Kamo no Chômei y raconte ce qu’il voit, ce qu’il entend, et relate des faits historiques comme le déplacement de la capitale pendant six mois entre Kyôto et Fukuhara en 1180, ou encore le tremblement de terre à l’origine du renversement de la tête du Grand Bouddha de Nara. Il adopte une position intéressante : celle d’un narrateur qui observe la scène d’un point de vue extérieur, comme s’il se détachait des faits qui se déroulaient sous ses yeux. Il n’en reste pourtant pas moins marqué par les événements, et cela se ressent dans son écriture, qui exprime une certaine tristesse face au caractère éphémère des choses et à la violence des incendies, tornades, séismes et famines de l’époque.
Dans un second temps, il s’interroge davantage sur le sens de la vie et sur les moyens d’atteindre le véritable bonheur. Il nous livre alors ses pensées, nous raconte son isolement, sa vie, ses réflexions, ses balades dans la montagne avec le fils d’un bûcheron… En lisant ses vers, on découvre sa façon de penser, on s’attache à lui, et on en vient même à compatir avec lui.
Cette œuvre est écrite en toute simplicité, et elle est en même temps nourrie par une réflexion profonde. Sa dimension historique est très enrichissante. En seulement quelques lignes, on parvient à s’immerger dans le Japon du XIIIème siècle. On ne peut que conseiller sa lecture aux personnes intéressées de près ou de loin par l’histoire du Japon, et en particulier par la période de transition entre l’époque de Heian (794 – 1185) et l’époque de Kamakura (1185-1333).
“Je me connais,
Et je connais le monde.
Je ne souhaite rien,
Et je ne cherche pas à me conformer.
La quiétude est tout ce que je désire :
Être libéré des soucis suffit à mon bonheur.”
「身を知り世を知れらば、
願はずまじらはず、
たゞしづかなるをのぞみとし、
うれへなきをたのしみとす。」
“Mi o shiri yo o shireraba,
negawazu majirawazu ,
tada shizuka naru o nozomi to shi,
uree naki o tanoshimi to su”
Cette version du Hôjôki présente les textes en français et en japonais, ainsi qu’une transcription en rômaji. Cela permet à tout lecteur, japonophone ou non, de saisir entièrement la beauté et la poésie de l’œuvre jusque dans ses sonorités. Elle constitue également un bel exercice pour ceux qui apprennent ou souhaitent se lancer dans l’apprentissage du japonais classique.
Bonne lecture !
Hôjôki, Kamo no Chômei, d’après l’édition anglaise de annotée par Matthew Stavros, Éditions Armand Colin, 2025, 192p, 22,90€






Alexia MERRIEN pour Zoom Japon