L’ancienne capitale impériale se visite à toute saison. Mais l’automne est une période encore plus propice. Voici pourquoi… J’étais là, debout, auprès du “miroir d’eau”, tandis que sur l’autre bord, il exposait sa façade au soleil déclinant. Le pavillon de pêche, à gauche, était à demi caché. Dans l’étang où flottaient, éparses, des feuilles d’algues et des plantes d’eau se reflétait l’image parfaite du Pavillon d’Or, et il y avait plus de beauté dans le reflet. Le soleil couchant promenait sur l’envers des auvents ses lueurs renvoyées sur l’étang. Comparées à la luminosité environnante, ces lueurs étaient trop fortes, trop éblouissantes ; et, comme un tableau qui exagérerait les effets de perspectives, le Pavillon d’Or me donnait l’impression de se redresser de toute sa hauteur et d’être cambré légèrement en arrière”. Ces quelques lignes signées Mishima Yukio dans son fameux roman Le Pavillon d’Or illustrent la fascination que cet édifice exerce sur les êtres qui s’en approchent. Il suffit d’ailleurs d’observer les visiteurs qui s’y pressent chaque jour et qui passent de longues minutes à l’observer, cherchant à percer les secrets de sa beauté. Si le héros du roman de Mishima considère au début que ce “n’est rien de plus qu’une vieille, insignifiante construction noirâtre à deux étages”, il finit très vite par comprendre “que nulle chose au monde n’égalait en beauté le Pavillon d’Or”. Quelle que soit la saison, cet édifice achevé en 1398 domine un étang baptisé “le miroir d’eau” dans lequel il se reflète de façon parfaite, mais c’est en automne qu’il prend une autre dimension dans un environnement de couleurs allant du jaune au rouge vif. A cette période de l’année, Kyôto, la ville éternelle, se transforme avec ces changements de couleurs impressionnants qui attirent des centaines de milliers de personnes. Un peu partout dans la ville, les feuilles bigarées jouent avec la lumière d’automne, la filtrent et offrent aux yeux émerveillés des visiteurs un spectacle étonnant. C’est à une promenade automnale que nous vous invitons, afin que vous prépariez tranquillement votre prochain voyage au Japon. “Kyôto est l’unique ville au monde où le passé et le présent se superposent avec tant de naturel. A Tôkyô, les anciens lieux ont tous changé et sont méconnaissables. Ici, chaque pierre, chaque arbre, chaque bruit, chaque animal sont restés les mêmes”, faisait remarquer un voyageur habitué à se rendre dans cette cité qui est parvenue à se préserver de la folie des hommes et de leur désir parfois de tout bouleverser. “Pour créer Kyôto, il a non seulement fallu des générations d’empereurs esthètes, d’architectes, de bâtisseurs, de jardiniers, de ciseleurs, de poètes, d’orfèvres, d’amoureux, d’émailleurs, de philosophes, d’urbanistes, d’artisans et d’artistes mais encore il a fallu que Kyôto soit, dès son origine, si pure, si réussie que les gens de guerre les moins scrupuleux ont toujours reculé devant sa destruction”, écrivait le journaliste Marcel Giuglaris dans son livre Visa pour le Japon paru en 1958. Ces deux citations illustrent parfaitement la ville et elles restent évidemment valables encore aujourd’hui. Lorsqu’on débarque par une belle matinée d’automne à la gare de Kyôto qui, elle, a subi une véritable cure de rajeunissement grâce au travail de l’architecte Hara Hiroshi, on peut choisir de se rendre d’abord au Pavillon d’Or avant qu’il ne soit envahi par des cohortes de touristes venus du monde entier. Être le premier ou la première à fouler les allées de cet endroit extraordinaire n’a pas de prix. Peut-être est-ce à cet instant-là que vous serez touché par sa grâce. “De plus en plus, il se mit à exister en moi, profondément, solidement. Ainsi du Pavillon d’Or, il m’était impossible d’évoquer tel ou tel détail sans faire en moi vibrer l’ensemble”. C’est ainsi que le jeune héros de Mishima exprime son attachement à cet édifice qu’il finira tout de même par détruire. Malgré la foule qui s’y presse, c’est un lieu qui suscite chez les visiteurs une forme de respect. Non seulement l’édifice attire tous les regards, mais tout son environnement également. Les feuilles rouges (kôyô), à l’égard desquelles les Japonais vouent un amour aussi fort que pour les fleurs de cerisiers, finissent par donner le tournis. On ne sait plus où donner de la tête. Dans les allées, les érables étendent leurs branches rougeoyantes comme s’ils voulaient nous barrer la route et réclamer un peu d’attention. Les photographes amateurs ne se font pas prier. Ils mitraillent les vedettes du jour tandis que le Pavillon d’Or disparaît après un dernier virage. Il est temps de quitter ce magnifique endroit pour un autre temple tout aussi attrayant à ce moment de l’année : Kiyomizu-dera. Le plus sage est d’emprunter un taxi pour s’y rendre. Avec un peu de chance, vous tomberez sur un chauffeur connaissant quelques mots d’anglais. On dit souvent (à Tôkyô) que les habitants de Kyôto ne sont pas très sympathiques et qu’ils ont tendance à se montrer un peu dédaigneux à l’égard des touristes. C’est peut-être vrai quand ils s’adressent aux visiteurs qui arrivent de la capitale, mais ils ...