Avec son nouveau manga qui s’intéresse à l’agriculture, Arakawa Hiromu a réussi un pari audacieux.
Grâce à Fullmetal Alchemist, Arakawa Hiromu est devenue l’une des grandes figures du manga au Japon et dans le reste du monde. Son talent est très apprécié et on sait que ce qu’elle touche peut se transformer en or. La preuve avec Gin no saji – Silver spoon, une œuvre originale qui au premier abord peut surprendre le lecteur de Fullmetal Alchemist dont le contenu fantastique est à des années lumières de l’histoire que la mangaka a entrepris de raconter depuis avril 2011. Avec Silver Spoon, elle abandonne le monde de l’alchimie pour un univers plus terre à terre, celui de l’agriculture qu’elle connaît très bien. Originaire de Hokkaidô, la principale île au nord de Honshû une région célèbre pour sa richesse agricole, Arakawa Hiromu a fait une partie de ses études dans un lycée agricole. C’est d’ailleurs le cadre qu’elle a choisi pour aborder ce récit qui met en scène plusieurs élèves plus ou moins doués. Pour rendre plus crédibles ses personnages et son histoire, elle n’a pas hésité à retourner sur les traces de son passé pour mener une enquête minutieuse qui permet de rendre très réaliste les décors, mais aussi la psychologie des personnages. Le héros de Silver Spoon s’appelle Hachiken Yûko. Ce jeune homme qui fait sa rentrée au lycée agricole va découvrir non seulement la vie en collectivité, mais aussi et surtout le rapport à la nourriture. Comment un adorable petit cochon se transformera à terme en d’excellentes tranches de bacon est un sujet auquel il n’avait pas pensé auparavant. C’est une réalité qu’il va devoir affronter au cours de ses études. L’intérêt de cette histoire, qui a obtenu au mois de mars le grand prix du manga 2012, est justement de rappeler aux lecteurs quelques grands principes de l’agriculture que la plupart d’entre eux ne connaissaient sûrement pas. Arakawa Hiromu met aussi l’accent sur l’importance de faire attention à l’environnement et défend une agriculture durable et respectueuse des équilibres naturels. En cela, elle est en phase avec les préoccupations des Japonais qui se posent de nombreuses questions sur l’alimentation notamment depuis les événements de mars 2011 et les problèmes de contamination radioactive liés à l’accident de la centrale de Fukushima Dai-ichi. L’auteur rend également un bel hommage à sa région natale, en y montrant des traditions locales et en soulignant la solidarité qui existe sur place. Sans être trop moraliste, Silver Spoon met néanmoins en avant quelques grands principes moraux. Le manga explore également le rapport entre la vie et la mort que les éleveurs de cochons ou de bœufs doivent sans doute se poser lorsqu’il faut envoyer le bétail à l’abattoir. A l’instar de Fullmetal Alchemist, on peut dire qu’il s’agit d’une espèce de récit initiatique qui fait la part belle à la jeunesse. On comprend donc pourquoi Silver Spoon a été plébiscité par la critique et par les lecteurs de plus en plus nombreux. Paraissant en feuilleton dans l’hebdomadaire Shônen Sunday, le manga a déjà été publié sous forme de livre à quatre reprises avec des tirages avoisinant le demi-million d’exemplaires. La distinction dont il a fait l’objet au printemps devrait lui donner un coup de fouet, d’autant plus que la région de Hokkaidô et son côté nature intéressent un nombre croissant de Japonais qui voudraient bien y vivre. Arakawa Hiromu, en alchimiste de la bande dessinée, est donc parvenue à créer une œuvre riche et adaptée à l’air du temps. Chapeau bas.
Odaira Namihei
Réference :
Gin no saji – silver spoon de Arakawa Hiromu, éd. Shôgakukan, 2011, série en cours, 3 tomes parus.