Installée dans les environs de Sapporo, cette entreprise connaît un succès grandissant auprès des amateurs de cacao.
Hokkaidô, c’est du poisson, des crustacés, des coquillages, des râmen (celles de Sapporo et d’Asahikawa sont réputées), éventuellement du fromage (le fameux camembert de Hokkaidô dans sa boîte en fer) et c’est tout. Voilà grosso modo l’inventaire que l’on peut dresser de la production alimentaire de l’île. C’est du moins la liste qu’un Japonais lambda proposerait si on l’interrogeait à ce sujet. Pourtant cette liste n’est pas complète. Il y a évidemment plein d’autres produits agricoles (comme le vin) qui prennent de l’importance et contribuent à la notoriété de cette région, mais il y a surtout un produit tout à fait inattendu qui connaît un succès grandissant dans l’archipel, mais aussi et peut-être surtout à l’étranger, c’est le chocolat. Hokkaidô est en train de devenir une petite Suisse grâce à un chocolatier nommé Royce’. La première fois que l’on entend prononcer ce nom, on se dit immédiatement qu’il s’agit d’une entreprise étrangère implantée sur place afin de satisfaire les gourmands régionaux. Royce’ ne sonne pas très japonais. “En fait, il s’agit du prénom du fondateur lorsqu’on le lit à l’envers”, explique Imai Akiko, chargée des relations publiques de l’entreprise. C’est en effet Yamazaki Yasuhiro (à l’envers rohisu) qui a fondé l’entreprise en 1983 dans les environs de Sapporo. “A l’époque, personne ne produisait de chocolat au lait à Hokkaidô alors que la région était très célèbre pour son lait”, rappelle Imai Akiko. Celui qui allait devenir son patron avait quitté son emploi dans une entreprise de machine-outils et cherchait une idée pour se lancer dans les affaires. C’est alors que l’envie de se lancer dans la production de chocolat est née dans sa tête.
Il créa son premier atelier qui faisait moins de 200 mètres carrés. “Je me souviens que je faisais tout à la main. Je n’avais pas les moyens de me payer une machine. Mes seuls instruments étaient composés d’un matériel de cuisine standard. Je produisais alors une tablette en forme de vache. Elle avait un certain succès auprès des touristes”, se souvient Yamazaki Yasuhiro. Puis il se lança dans la production de chocolat nama (une ganache faite avec de la crème fraîche). C’est encore aujourd’hui l’un des produits phares de la marque Royce’. “Cela représente environ 50 % de nos ventes”, confie Imai Akiko. “Nous profitons de la qualité des produits laitiers de Hokkaidô, mais pas seulement. Depuis quelques années, nous utilisons les pommes de terre”, poursuit la jeune femme avec un sourire, en voyant l’étonnement se dessiner sur le visage de son interlocuteur qui a bien du mal à associer ce tubercule avec du chocolat.
L’innovation est pourtant au cœur du succès de l’entreprise Royce’. En l’occurrence, le chocolatier a créé des chips à base de pomme de terre recouvertes de chocolat sur une de ses faces. Royce’ fait appel à une entreprise locale pour ce qui est de la production des chips avant d’assurer l’enrobage puis le conditionnement. Les gens en sont dingues. Dans la boutique installée dans l’usine d’Ishikari Futomi, à une trentaine de minutes du centre de Sapporo, les boîtes et les sachets de chips au chocolat se vendent comme des petits pains. “De nombreux touristes de passage à Hokkaidô font le déplacement jusqu’ici pour en acheter. C’est le signe que nous disposons d’un bon produit”, ajoute la jeune femme.
Quand elle évoque des touristes de passage, elle ne parle pas seulement des Japonais, elle fait aussi allusion à une clientèle étrangère de plus en plus nombreuse et de plus en plus accro au chocolat made in Hokkaidô. Royce’ en fait d’ailleurs un argument de vente. Ces dernières années, l’île a fait beaucoup d’efforts en direction de l’étranger, en particulier l’Asie, pour attirer des visiteurs. Une campagne de sensibilisation qui a très bien fonctionné et sur laquelle Royce’ s’est aussi indirectement appuyée. L’entreprise a multiplié ses investissements en Asie pour créer des points de vente. Singapour, en 2001, a été suivi par Hong Kong, la Thaïlande, la Malaisie, Les Philippines, Brunei, l’Indonésie, Taiwan et fin 2011 la Russie. Ce succès rapide à la fois au Japon et en Asie s’explique par l’originalité des produits proposés, mais surtout par la qualité des matières premières. “Le lait de Hokkaidô est formidable. Nous n’utilisons que du lait issu de fermes où le bétail est nourri sans produits chimiques”, insiste Imai Akiko. Cela donne aux produits utilisés un goût et une texture qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. C’est la raison pour laquelle Yamazaki Yasuhiro se montre confiant sur l’avenir de son entreprise. Il est persuadé que le goût venu de Hokkaidô est en mesure de conquérir le reste du monde.
Odaira Namihei
Dans son usine d’Ishikari Futomi, Royce’ produit notamment des chips de pomme de terre au chocolat (à gauche), ses fameux chocolats nama à base de crème fraîche produite à Hokkaidô (au centre) et une vingtaine d’autres produits qui bénéficient d’un traitement particulier et manuel au niveau du conditionnement.