Du 12 juin au 21 juillet, Espace Japon s’intéresse à la contestation qui a secoué le pays pendant plus de deux décennies.
Le 15 mai dernier, le Japon célébrait le quarantième anniversaire du retour d’Okinawa sous la souveraineté pleine et entière du Japon. L’événement est passé inaperçu en France où l’on était concentré sur la passation des pouvoirs entre Nicolas Sarkozy et le nouveau président François Hollande. Dans l’archipel, cette célébration a donné lieu à des discours bien sûr, mais aussi à quelques manifestations, notamment de la part de ceux qui dénoncent la présence massive de bases américaines à Okinawa (75 % du territoire). Parmi les personnes rassemblées, on en comptait de nombreuses avec des cheveux blancs. Aujourd’hui âgés de 60 à 70 ans, ces manifestants exprimaient déjà leur colère à la fin des années 1950 contre le renouvellement du traité de sécurité nippo-américain. A l’époque, les jeunes Japonais, que les Américains avaient baptisés les “enfants de la démocratie”, commençaient à se rebeller contre l’omniprésence des Etats-Unis qui imposaient, malgré la fin de l’occupation en avril 1952, sa volonté à un gouvernement nippon incapable de dire non. Dirigé par Kishi, un ancien criminel de guerre de classe A jamais condamné, il était complètement inféodé à Washington. Une situation intolérable aux yeux de la jeunesse qui à partir de 1957 va commencer à se mobiliser. Le photographe Mitome Tadao était lui aussi étudiant à cette époque. En 1958, il est inscrit à l’université Nippon, à Tôkyô, où il étudie justement la photographie. Au milieu de l’agitation, ce jeune homme tenté par le photo-reportage va suivre les nombreuses manifestations qui vont se multiplier tout au long des mois suivants pour aboutir au printemps 1960 à des face-à-face imposants entre manifestants et forces de l’ordre autour du Parlement appelé à voter le renouvellement du traité de sécurité. S’appuyant sur ces témoignages photographiques de première main, Espace Japon organise une exposition qui revient sur cette période de forte agitation dans l’archipel. Les manifestations n’ont pas empêché les députés de la majorité d’entériner le texte voulu par Kishi, mais elles ont conduit à une prise de conscience dans tout le pays sur la nécessité de changer les choses. La jeunesse japonaise, qui fut rejointe un peu partout dans le monde par d’autres jeunes en révolte contre le système, s’est ainsi rebellée, rejetant le mode de fonctionnement des universités, critiquant la guerre du Vietnam et entretenant un fort sentiment anti-américain lié en grande partie à la présence de bases sur le territoire japonais. Il y aura, on le sait, une radicalisation de certains mouvements qui aboutira à la création de groupes violents comme l’Armée rouge japonaise. L’exposition ne revient pas sur ces groupes radicaux, mais sur les motivations qui ont conduit tous ces gens dans la rue. En plus des photographies de Mitome Tadao, Espace Japon propose des documents originaux et des témoignages inédits d’acteurs de l’époque qui permettent de mieux saisir leurs motivations. Cinquante ans plus tard, on sent que leur flamme ne s’est pas éteinte et on comprend pourquoi ils sont encore dans la rue pour exprimer leur colère contre la présence américaine.
Gabriel Bernard
Pratique :
1957-1972 la jeunesse japonaise en ebullition du 12 juin au 21 juillet 2012.
Espace Japon 12 rue de Nancy 75010 Paris
Tél. 01 47 00 77 47 – www.espacejapon.com