En aéronautique, les Japonais misent sur la coopération internationale pour imposer leur technologie.
Dans le domaine de l’aéronautique, les Japonais ont acquis une solide réputation grâce au fameux chasseur Zéro fabriqué par Mi-tsubishi à la fin des années 1930. Sa fiabilité et sa maniabilité avaient permis pendant des mois d’assurer la maîtrise du ciel aux aviateurs nippons. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les forces d’occupation américaines ayant interdit au Japon de posséder des appareils, ont démantelé les sociétés spécialisées dans l’aéronautique et obligé les universités nippones à ne plus enseigner les matières susceptibles d’être utilisées dans l’aviation. La signature du traité de San Francisco en septembre 1951 qui s’est traduit par la fin de l’occupation américaine en avril 1952 a eu pour conséquence quasi immédiate le vote d’une loi cadre sur la reconstitution d’une industrie aéronautique nationale. En l’espace de quelques années, les Japonais sont parvenus à recréer un secteur digne de ce nom et à la fin des années 1950, au moment où la croissance battait son plein et que les objectifs de la reconstruction étaient atteints, les autorités, sous l’impulsion de la société Shinmeiwa, ont commencé à réfléchir au lancement d’un projet de fabrication d’un appareil civil baptisé YS-11. Celui-ci devait devenir un des symboles de la capacité du Japon à innover dans un secteur jugé stratégique. En décidant de transporter la flamme olympique des Jeux de Tôkyô en 1964 à bord du YS-11, les autorités nippones ont vu l’opportunité de prouver au reste du monde toute la fiabilité du made in Japan. Au même moment, les Japonais inauguraient la première ligne de Shinkansen, train à grande vitesse, entre Tôkyô et Ôsaka.
Fierté nationale, le YS-11 n’a cependant pas eu le succès commercial escompté. Malgré 82 commandes venues de l’étranger, la production de ce moyen courrier s’est limitée à 182 appareils en raison de son coût plus élevé que la moyenne internationale. Sans parler d’échec commercial, ce qui serait sans doute exagéré, le YS-11 a rempli la mission d’ambassadeur du savoir-faire technologique japonais. Dans les années qui ont suivi, avec le développement du tourisme de masse, notamment à l’étranger, les compagnies aériennes japonaises ont plutôt fait appel à la technologie américaine pour le transport de leurs passagers. La livraison du premier 747 à Japan Airlines en 1970 en fut l’un des moments clés. Si les Japonais ont abandonné la production du YS-11 en 1974, ils ont poursuivi leurs travaux de recherche dans l’aéronautique. Par ailleurs, les industriels japonais ont démontré au fil des décennies leur maîtrise dans le domaine des matériaux composites, ce qui aujourd’hui leur permet de jouer un rôle important dans le développement et la construction du dernier né de la famille Boeing : le 787. La participation de sociétés nippones dans la fabrication de cet appareil a donné lieu à une campagne de publicité intéressante et originale de la part de l’avionneur américain tout au long des sept années nécessaires à sa réalisation. On a ainsi vu fleurir dans plusieurs magazines japonais l’expression made with Japan en lieu et place du célèbre made in Japan. Une évolution sémantique qui a son importance et traduit un changement dans les mentalités des deux côtés du Pacifique. Dans le projet du 787, les entreprises japonaises sont loin d’être de simples figurantes. Leur contribution au niveau de la conception des ailes, des freins ou encore de la carlingue permet de comprendre pourquoi il était important de mettre en évidence l’aspect collaboratif de cette opération industrielle. Cela relève également du symbole, mais, comme chacun sait, c’est un élément important. On ne s’étonnera pas non plus d’apprendre que c’est une compagnie japonaise, ANA, qui a été la première à réceptionner le 787. L’événement, car cela en fut un pour les Japonais, a été largement couvert par les médias japonais à l’automne 2011. On a ainsi pu voir à la télévision le départ des Etats-Unis et l’arrivée au Japon du premier appareil et dans la presse écrite, on a multiplié les articles mettant l’accent sur cette notion de made with Japan et son importance pour l’avenir du pays. La haute technologie japonaise est ainsi mise en avant dans un produit qui est de nature à bien s’exporter.
Cela permet aussi d’envisager d’autres développements dans le secteur aéronautique. Au moment où le projet 787 prenait son envol, Mitsubishi lançait l’idée d’un appareil moyen courrier rappelant le YS-11. Avec le MRJ (Mitsubishi Regional Jet), l’entreprise japonaise, qui a contribué au 787, espère remettre au goût du jour le made in Japan dans le secteur aéronautique. La compagnie ANA déjà très impliquée dans le 787 a déjà passé commande de plusieurs MRJ une fois que celui-ci sera opérationnel en 2014.
Odaira Namihei