Au nord du Japon, cette région nommée Yukiguni est divisée en “zones de fortes chutes de neige” et “zones spéciales de fortes chutes de neige”. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon C’est sous des mètres de poudreuse que la façade occidentale du Japon vit une grande partie de l’hiver. Un long tunnel entre les deux régions, et voici qu’on était dans le pays de neige. L’horizon avait blanchi sous la ténèbre de la nuit. Le train ralentit et s’arrêta au poste d’aiguillage.” C’est ainsi que commence le plus célèbre roman de Kawabata Yasunari, Pays de Neige (Yukiguni, traduit par Bunkichi Fujimori, Albin Michel, 1960), l’histoire d’un homme qui se rend dans une ville de sources chaudes où il rencontre et tombe amoureux d’une geisha.Aujourd’hui, nous pouvons refaire le même voyage avec le Jôetsu Shinkansen et si, comme le protagoniste du roman de Kawabata, nous voyageons en hiver, nous serons fascinés par le brusque changement de paysage : le train entre dans une série de longs tunnels, laissant derrière lui la côte orientale du Japon, et lorsqu’il émerge de l’autre côté, nous nous retrouvons soudainement entourés de neige. Nous sommes au cœur de ce que l’on appelle le Pays de Neige.Yukiguni est le nom donné à la partie de la mer du Japon située entre Honshû, l’île principale du Japon, et Hokkaidô, au nord. A proprement parler, au moins dix des 47 préfectures du pays font partie de cette région, mais son noyau géographique et culturel est surtout représenté par Niigata – où se déroule l’histoire du prix Nobel de littérature 1968 – Toyama et Fukui.Cette région est divisée en “zones de fortes chutes de neige” et “zones spéciales de fortes chutes de neige”. Un exemple typique de la première est Niigata, le centre de la zone touristique du Pays de la neige, qui, de manière assez surprenante, est situé sur le 37e parallèle nord, tout comme des endroits beaucoup plus chauds comme San Francisco et le sud de la Sicile. Ce qui rend la côte occidentale du Japon si froide, c’est la vapeur chaude provenant du sud et les nuages chargés d’humidité transportés au Japon par les vents d’ouest soufflant du continent asiatique ou descendant de Sibérie. Les Alpes japonaises, qui constituent l’épine dorsale de Honshû, retiennent ces nuages le long de sa façade occidentale et, en hiver, ils libèrent leur humidité sous forme de neige abondante.Bien que, selon les normes japonaises, le pays de la neige ne soit pas densément peuplé, environ 20 millions de personnes, soit 15 % de la population totale, vivent dans cette région, plus que dans toute autre zone de fortes chutes de neige au monde. Parmi les grandes villes de plus d’un million d’habitants, par exemple, la quantité moyenne de neige tombée annuellement est de plus de deux mètres à Montréal, au Canada, mais de plus de six mètres à Sapporo et de plus de 2,5 mètres à Niigata, une ville de près d’un million d’habitants. Quant aux “zones spéciales de fortes chutes de neige”, elles représentent environ 75 000 kilomètres carrés (environ 20 % du territoire national) et comptent 3,01 millions d’habitants (2,4 % du total).À propos, vous vous demandez sûrement ce que signifie “fortes chutes de neige”. Dans une ville comme Tôkyô, 5 centimètres de neige seulement peuvent facilement faire basculer la vie de millions de personnes dans le chaos. Cependant, le Pays de Neige est régulièrement visité par de violents blizzards. Les plus récentes chutes de neige record au Japon ont eu lieu entre décembre 2005 et février 2006, lorsque plus de 3 m (4,5 m dans une partie de la préfecture d’Aomori) de neige se sont accumulés dans de nombreuses zones rurales, et que des accumulations allant de 46 cm (Tottori) à près de 1,5 m (Aomori) se sont produites même dans plusieurs grandes villes.Depuis le début du XXIe siècle, les chutes de neige abondantes dans cette partie du Japon ont augmenté à tel point qu’elles sont devenues un problème incontournable en termes de prévention des accidents et des catastrophes. A cet égard, de nombreux accidents se produisent, qui sont propres à cette partie du Japon. Dans certains cas, des personnes meurent après avoir été écrasées sous une lourde charge de neige tombant du toit. Comme il est dangereux de laisser la neige s’accumuler au-dessus de leur tête, de nombreuses personnes grimpent sur le toit de leur maison pour s’en débarrasser. Malheureusement, certains d’entre elles perdent pied et font une chute mortelle.Un plan de base a été établi pour déneiger, sécuriser les transports et les communications, et promouvoir le développement régional. Cependant, la charge économique du déneigement, comme le déblaiement des routes et le développement des infrastructures, peut difficilement être assumée par les seules autorités locales. C’est pourquoi le gouvernement national a apporté un soutien administratif et financier particulier et adapté.Dans le même temps, un nouveau mouvement se répand, qui souligne la nécessité de se concentrer non seulement sur les dommages causés par la neige, mais aussi sur les bienfaits qu’elle apporte. Selon Itô Yoshiomi, chercheur en chef de la Fondation Snowman, basée à Jôetsu, “il faut une énorme quantité d’énergie pour transformer la neige en liquide à 0 degré. Jusqu’à présent, nous attendions simplement que le soleil la fasse fondre. Cependant, si l’énergie émise à ce moment-là peut être extraite sous forme de chaleur froide, le concept de pays de neige pourrait changer radicalement.” La Fondation Snowman a été créée pour rechercher et diffuser des informations sur les nouvelles façons d’utiliser la neige (par exemple, les systèmes de refroidissement de la neige) et, ce faisant, faire connaître la culture du Pays de Neige. En outre, la production d’énergie à partir de la neige fait actuellement l’objet de recherches à l’université de Toyama.Pendant des siècles, Yukiguni a été coupé du reste du pays, à l’exception de quelques sentiers de montagne et de routes maritimes. Puis, en 1971, le Premier ministre Tanaka Kakuei, originaire de Niigata, a poussé à la construction de la ligne Shinkansen pour établir des liens plus étroits avec la capitale et promouvoir le développement régional. Cependant, même après le début du service régulier en novembre 1982, cette région a continué à être considérée comme un arrière-pays peu peuplé, loin de la “Golden Road” (Tôkyô-Kyôto-Ôsaka), qui...