Ce monde singulier des matagi était toujours fermé à Ebihara Hiroko du fait de son sexe. Au début, elle pouvait certes les accompagner, mais c’est uniquement parce que son professeur connaissait bien les chasseurs. “C’est vrai que, si j’étais un homme, les choses auraient été beaucoup plus simples”, glisse-t-elle. Son maître se défend. “Cela ne me dérangeait pas que tu viennes avec nous, mais les plus anciens tenaient à faire respecter la tradition”. A l’époque, les matagi l’acceptaient uniquement quand ils chassaient des animaux faciles comme des lièvres. “C’était presque de la randonnée, ils ne me traitaient pas comme une adulte”, ironise la jeune chasseuse. Pour devenir matagi, elle a établi une stratégie. “J’ai essayé d’aller dans les montagnes avec eux le plus souvent possible, pour qu’ils connaissent au moins mon nom et mon visage. C’était très important rien que pour montrer que je pouvais marcher sans être aidée”, confie-t-elle. Au fur et à mesure, elle s’est passionnée encore davantage pour la culture des matagi, surtout de leur vision de la nature. “Ils ne pensent pas que les montagnes leur appartiennent. Ils les considèrent comme un trésor confié par leurs ancêtres qu’ils se doivent de transmettre aux générations futures. Ils ne capturent donc jamais trop d’animaux. Pour eux, cela n’a aucun sens”, explique la jeune femme. Et la chasse à l’ours, animal hautement symbolique pour les matagi, ils la considèrent comme un “duel”. “Avant de chasser un ours, ils prennent du temps pour aller à l’autel pour prier devant la déesse. En effet, il serait beaucoup plus facile d’utiliser un piège, mais cela ne les intéresse pas. Pour eux, ce serait médiocre”. Malgré le sexisme archaïque, ce monde la séduit profondément, d’autant qu’elle a grandi dans la ville de Kumamoto, sur l’île de Kyûshû, au sud de l’archipel, “sans beaucoup de contact...