Même le tremblement de terre qui a frappé Ôsaka, le 18 juin dernier, a donné lieu à une série de discours de haine sur des “crimes” qui auraient été commis par des résidents étrangers. Malheureusement, cela est devenu une tendance récurrente sur Internet. Pensez-vous que les Japonais sont racistes ? T. G. : La discrimination et les préjugés sont une partie inévitable de la société, alors je ne peux pas vraiment nier l'existence de personnes racistes au Japon. Il est également probable que les Japonais craignent “l’autre” pour plusieurs raisons. En revanche, la plupart des gens dans ce pays ont ou avaient assez de bon sens pour arrêter ou freiner un comportement discriminatoire. C'est quelque chose que nous avons appris depuis notre enfance. Le vrai problème, à mon avis, est que la relation parent-enfant traditionnelle s’affaiblit progressivement à mesure que les jeunes trouvent refuge et établissent des liens dans l’univers virtuel. Malheureusement, Internet est devenu un lieu où la colère et les frustrations des gens se sont amplifiées, et ceux qui tentent de mettre un terme à ce type de violence verbale - ce que nous pourrions appeler la voix de la raison - sont facilement dépassés et réduits au silence. Ce que j’essaie de dire, c’est que je ne pense pas que les principes moraux de la société japonaise se soient détériorés. Les nouveaux moyens de communication et de regroupement, tels que les réseaux sociaux, ont amplifié les messages négatifs et les idées qui existaient déjà, mais qui se limitaient auparavant à des environnements plus restreints. Il y a des années, Umberto Eco avait déclaré qu’Internet donne à tous les imbéciles le droit d’exprimer librement leurs opinions. Partagez-vous son point de vue ? T. G. : Oui et non, car après tout, c’est la démocratie : le droit de dire ce que vous pensez, indépendamment de votre QI ou de vos opinions politiques. Prenez la littérature, par exemple. L'écriture constituait une occupation élitiste et seul un groupe relativement restreint de personnes avait la possibilité de publier leurs œuvres. Vous deviez être un écrivain qualifié pour commencer. Ensuite, il fallait avoir la chance de trouver un éditeur prêt à parier sur votre travail. Mais avec Internet, tout le monde peut être auteur et tout le monde peut lire beaucoup de choses gratuitement. C'est la démocratie directe dans sa forme la plus pure. Comment ne pas apprécier quelque chose comme ça ? Encore une fois, même dans la Grèce antique, berceau de la démocratie directe, on criait si on disait quelque chose de particulièrement stupide. En d’autres termes, il doit toujours y avoir un dispositif, une méthode pour réguler le dialogue démocratique et limiter les abus afin que l’ensemble du système puisse fonctionner sans heurts. Evidemment, il est difficile de trouver un équilibre entre les libertés et ses limites, mais je suppose que c’est le seul moyen de faire fonctionner la démocratie. Puisque nous abordons le sujet des libertés et des bonnes manières, il semble y avoir, dans les transports publics, une intolérance accrue à l’égard des femmes enceintes, des personnes handicapées et des parents avec enfants - surtout s’ils utilisent une poussette - de la part des usagers fatigués et stressés. T. G. : C'est un comportement vraiment...