Est-ce pour cela que vous avez aimé ce film ? T. G. : Oui, non seulement il aborde un moment peu connu de l’histoire du Japon, mais il met en évidence un phénomène social dont beaucoup de Japonais, y compris moi-même, n’avaient jamais entendu parler. C’est aussi un exemple classique de la façon dont un conteur – que ce soit un romancier ou un cinéaste – peut parfois prendre certaines libertés (par exemple, créer une rencontre fictive entre des terroristes et des lutteuses de sumo) pour mettre l’accent sur certaines questions sociales ou politiques. C'est pour moi le pouvoir de la littérature. Le travail d’un érudit peut être historiquement plus précis, mais un conteur est capable de rassembler des éléments disparates et de créer une réaction chimique plus puissante que toute étude scientifique. En ce sens, mes œuvres pourraient être considérées comme des bombes à mots assez puissantes pour sortir les gens de leur léthargie sociale. Qu’en est-il de la question des femmes de réconfort ? A ce sujet, le gouvernement japonais a montré une approche contradictoire. D’un côté, ils ont indemnisé certaines des victimes, mais de l’autre côté, ils continuent de dire qu’aucun document officiel n’a été trouvé prouvant que l’armée japonaise était responsable de l’enlèvement de femmes et de leur exploitation sexuelle. Aujourd’hui encore, les autorités se démènent contre les tentatives de construction de monuments commémoratifs à l’étranger. T. G. : De toute évidence, il ne peut trouver aucun document pour la simple raison que les autorités les ont détruits en premier lieu. Mais pour répondre à votre question, il s’agit d’un autre problème compliqué, sans solution claire. Vous ne pouvez pas simplement dire que toutes ces femmes étaient des prostituées qui travaillaient en première ligne, mais vous ne pouvez pas non plus affirmer qu’elles étaient toutes utilisées comme esclaves sexuelles. La situation différait selon les pays et les responsables de leur “recrutement”. Comme l’a dit un écrivain coréen, chaque femme de réconfort a sa propre histoire à raconter, et si vous les mettez toutes dans une seule boîte, vous finissez par perdre cette diversité. Encore une fois, le travail du romancier, du conteur, consiste à se concentrer sur ces histoires particulières et à leur donner l’importance qu’elles méritent. En d’autres termes, extraire l’universel du particulier. Femmes de réconfort, racisme, discours de haine... Comment peut-on mettre fin à ces dérives négatives qui semblent avoir pris racine, ces dernières années, dans la société japonaise ? T. G. : Le seul moyen possible est d’être engagé et d’y répondre par une approche positive. Vous devez les conquérir par le dialogue et en proposant des réponses nouvelles. Essayer d’arrêter le désert en construisant un mur est totalement...