Le musée départemental Albert Kahn, à Boulogne Billancourt, devrait ouvrir ses portes à l’automne 2021. / © Kengo Kuma & Associates Deux ouvrages signés par l’architecte permettent de saisir sa vision qui en fait l’une des grandes références mondiales. C’est dans les années 1990 que je me suis éveillé à l’architecture naturelle”, explique Kuma Kengo dans la postface inédite à l’édition française de son ouvrage L’Architecture naturelle (Shizenna kenchiku) paru initialement en 2008 au Japon. L’architecte a en effet donné une nouvelle direction à son travail, plus en phase avec l’environnement, et surtout qui s’appuie sur l’expérience ancestrale des bâtisseurs nippons pour qui le lien entre l’homme et la nature était une évidence. Kawarada Chizuko, qui travaille dans son agence depuis 1992, a fait de cette traduction une “mission” d’intérêt général dans la mesure où la lecture de ce livre avait été une véritable source de “bonheur” pour elle. “La façon d’écrire de Kuma Kengo parfois ironique m’a fait sourire, mais surtout il décrit des choses que l’on a parfois dans sa tête mais qu’on n’arrive pas à exprimer de manière facile et claire. Ce livre est devenu ma Bible. J’ai donc souhaité qu’il soit disponible en français pour que mes collègues du bureau parisien, et d’autres, puissent le lire pour comprendre son travail et sa philosophie”, explique-t-elle. La création du bureau parisien de Kengo Kuma & Associates (KKAA) est concomitante à la sortie de l’ouvrage au Japon, mais la traduction en français paraît seulement maintenant au moment où l’engouement pour les projets de l’architecte est bien établi dans le monde, notamment en France. “C’est par respect et par passion pour le travail de Kuma Kengo que j’ai eu envie de traduire ce livre, mais j’ai posé comme condition de le traduire en tandem avec Chizuko qui l’aime tant”, explique Catherine Cadou.Dans un pays où “l’architecture est une expression de la culture et qu’en conséquence, la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion dans le milieu environnant, le respect du paysage naturel et urbain ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public”, comme l’indique la Loi de 1977 sur l’architecture, et où le marché est ouvert aux agences étrangères pour postuler et participer à des concours, Kuma Kengo a donc pu mettre en avant ses idées et bénéficier d’un accueil favorable en raison de son approche “poétique”, et aussi “parce qu’il explique les choses de manière très concrète et simple, souvent imagée ou même à l’aide d’onomatopées”, souligne Catherine Cadou. “Il est clair et précis, et il n’utilise pas le langage habituel des architectes”, ajoute celle qui est aussi son interprète en France depuis une dizaine d’années. “C’est en fait un humaniste”, explique-t-elle. Elle en sait quelque chose puisqu’elle a aussi réalisé les sous-titrages des films d’une autre grande figure de l’humanisme, Kurosawa Akira. “Et ça, les Français adorent. C’est un humaniste qui apporte son Japon. Il fait justement penser au cinéaste qui disait ‘plus on est Japonais, plus on est universel’. Kuma, lorsqu’il évoque la notion du temps avec le temps du béton qui est fini et celui des matériaux naturels qui est continu, en fait la démonstration. Plus qu’un livre d’architecture, c’est davantage un livre d’humanisme”. Le projet de la galerie de protection du portail occidental polychrome de la cathédrale Saint-Maurice d'Angers. / Copyright Kengo Kuma & Associates - Image by Lautreimage En effet, la lecture de l’ouvrage permet de suivre comment l’architecte a transformé sa vision à travers une sorte de voyage initiatique au cours duquel il a redécouvert des fondements traditionnels qu’il a à la fois remis au goût du jour et développé pour aboutir à des constructions uniques en leur genre. “On commence à comprendre ce qu’est le bonheur lorsqu’on cesse de se préoccuper de l’apparence et qu’on se demande comment fabriquer”, note-t-il dans l’introduction. En quelques pages, de manière “honnête”, comme le souligne Kawarada Chizuko, il règle son compte au XXe siècle où “ce qui comptait, ce n’était plus comment c’était, ni comment c’était fabriqué, mais quel aspect cela avait”. Il peut d’autant mieux en faire la critique que lui-même a participé à ce “siècle du béton” qui a contribué à “l’uniformisation de lieux très divers, du fait des principes simplistes qui lui sont intrinsèques”.Au cours des deux dernières décennies, Kuma Kengo est devenu un architecte radical...