Plusieurs portions de la célèbre route qui reliait Edo à Kyôto sont accessibles. Nous avons suivi l’une d’entre elles. Rendez-vous a été pris à Nihonbashi, à Tôkyô. Construit il y a un peu plus de quatre siècles, ce pont, initialement en bois, était le point de départ des principales routes que les voyageurs devaient emprunter pour se rendre notamment à Kyôto. Le “pont du Japon” symbolisait le kilomètre zéro du Tôkaidô et du Nakasendô qui menaient à la capitale impériale, le premier en longeant l’océan Pacifique, le second en passant par des paysages plus montagneux. Ces deux routes faisaient partie des Gokaidô, c’est-à-dire les cinq principaux axes de circulation que les autorités shogunales avaient définis et balisés pour relier Edo au reste du pays. L’unité de l’archipel avait été compliquée à réaliser, il était donc important d’entretenir des routes pour la maintenir d’autant que le relief du pays n’était guère favorable aux échanges terrestres. Pour parcourir les quelque 500 kilomètres entre les deux grandes cités, il fallait compter environ deux à trois semaines selon les conditions météorologiques qui pouvaient rendre certaines portions impraticables. Aussi chacune de ces routes disposait de “stations” où les voyageurs pouvaient s’arrêter pour se reposer, s’alimenter. Mais il était strictement interdit d’y faire un long séjour. Dans un décret de 1686, il était stipulé que “tous les voyageurs seront contrôlés. Il est permis de faire une halte d’une nuit dans un des relais, mais il est interdit de séjourner plus longtemps. Toutes les personnes, notamment les travailleurs migrants et les individus au comportement suspect, devront être signalées”. En d’autres termes, il n’était pas question de faire du tourisme même si les paysages rencontrés étaient magnifiques comme l’a rapporté sous forme d’estampes Utagawa Hiroshige après son périple sur le Tôkaidô en 1832. Dans sa fameuse série intitulée Les Cinquante-trois stations du Tôkaidô, le maître des estampes offrait à tous ceux qui ne l’avaient pas empruntée un étonnant reportage graphique sur cette route mythique dont le tracé initial remonte au XIe siècle. Avec l’apparition du train à la fin du XIXe siècle, les choses ont radicalement changé. Le Tôkaidô est devenu synonyme de ligne de chemin de fer à partir de juillet 1889 avant d’entrer dans une nouvelle dimension avec la mise en service du Tôkaidô shinkansen, le train à grande vitesse entre Tôkyô et Ôsaka en octobre 1964. De deux semaines, on est passé à deux heures et l’on n’a guère la possibilité de profiter du paysage. On peut apercevoir au loin le mont Fuji, mais la plupart des gares traversées n’ont pas le charme des stations qui jalonnaient la route originale. Voilà pourquoi, en cette belle matinée de printemps, nous avons décidé de faire un retour dans le temps afin de retrouver l’atmosphère de ces voyages pédestres qui ont tellement le vent en poupe en Europe. Mais au lieu de faire la route de Saint-Jacques de Compostelle, nous avons choisi de faire celle du Tôkaidô ou du moins une toute petite partie de cet axe. Comme les voyageurs d’antan, nous avons décidé de nous retrouver à Nihonbashi. Malheureusement le pont en bois a disparu pour laisser place en 1911 à la structure actuelle, laquelle est aujourd’hui presque cachée par une voie express surélevée. Pour voir à quoi ressemblait le pont original, il faut se rendre au musée Edo-Tôkyô qui en a reproduit une partie ou si l’on a la possibilité de se rendre à Kyôto, au studio de la Tôei, qui en possède une copie conforme utilisée lors des tournages des films d’époque. De Nihonbashi, il faut se rendre à la gare de Tôkyô que l’on atteint en une dizaine de minutes à pied. Pour sortir de la capitale, nous prenons le train. La ligne JR Tôkaidô dont les wagons orange et vert sont facilement reconnaissables. Le voyage prendra environ 2h30 avec cette ligne et seulement 1h30 si vous choisissez le shinkansen jusqu’à Mishima avant de reprendre la ligne...