Cela fait plusieurs années que des militants opposés au châtiment suprême tentent de sensibiliser l’opinion. En vain.
Le 27 août dernier, pour la première fois dans l’histoire du Japon d’après-guerre, des journalistes japonais ont été autorisés à se rendre dans une des sept salles d’exécution qui existent dans l’archipel. Cette première voulue par Chiba Keiko, alors ministre de la Justice, avait pour but de sensibiliser la population sur cette question à l’égard de laquelle elle a une opinion bien arrêtée. Les nombreux sondages réalisés ces dernières années sur le sujet montrent clairement l’attachement des Japonais pour la peine capitale. Fin 2009, une enquête commanditée par le gouvernement a révélé que seulement 5,7 % des personnes interrogées étaient favorables à son abolition, alors que 85,6 % d’entre elles estimaient que le châtiment suprême devait continuer à exister dans l’arsenal pénal du pays. Devant ce chiffre impressionnant, on réalise le travail titanesque qui attend les militants abolitionnistes qui sont malgré tout de plus en plus nombreux à se mobiliser pour faire disparaître cette punition du code pénal japonais. La question est d’autant plus d’actualité que des jurés, introduits par la réforme du système judiciaire, vont intervenir pour la première fois dans des procès où la peine capitale sera réclamée. Plusieurs affaires devraient être jugées dans les semaines à venir.
Actuellement, une centaine de personnes attendent l’application du châtiment suprême dans les couloirs de la mort des prisons japonaises. Le nombre d’exécutions varie d’année en année. En 2010, il y en a eu jusqu’à présent 2. En 2009, il y avait eu 7 exécutions contre 15 l’année précédente. Pour permettre de mieux faire comprendre la cruauté de la peine de mort, l’ancienne ministre de la Justice Chiba Keiko a donc souhaité exposer le lieu où des condamnés passent de vie à trépas. Même si la visite s’est déroulée de façon curieuse, les journalistes ne pouvant pas connaître l’itinéraire emprunté jusqu’au lieu d’éxécution qui reste donc secret, elle a permis de ramener la question sur le feu des projecteurs. Mais chacun sait que cela prendra des années avant que l’opinion publique se range en faveur de la suppression de la peine capitale. Certaines publications favorables à son abolition ont rappelé les conditions dans lesquelles les condamnés à mort étaient exécutés par pendaison, ces derniers n’apprenant l’application de la sentence que quelques minutes avant. Les familles et les avocats sont pour leur part prévenus après. Mais les choses pourraient évoluer avec les jurys populaires. Le procès de Hayashi Kôji accusé du meurtre de deux femmes sera la première affaire jugée en présence de jurés et susceptible de déboucher sur un réquisitoire du procureur demandant la mort. Elle est donc très suivie, car la façon dont les jurés rendront leur verdict donnera une indication sur l’état d’esprit qui règne à l’égard de la peine capitale quelques semaines après avoir découvert le lieu d’exécution.
Gabriel Bernard