Au cœur de l’archipel, la ville de Takayama est une des cités les plus intéressantes à découvrir.
Soyons honnêtes. Entreprendre aujourd’hui un voyage au Japon donne souvent lieu à des réflexions du genre : “Tu n’as pas peur des tremblements de terre ?”, “Tu crois que c’est sûr avec toutes ces radiations ?” ou encore “Tu n’es pas fou d’aller à Tôkyô alors que la centrale de Fukushima n’est qu’à quelques kilomètres !” Vous aurez beau expliquer que Fukushima est à 250 kilomètres de la capitale, que les séismes ne sont heureusement pas tous de magnitude 9 et que vous éviterez d’aller dans les régions dévastées par le tsunami du 11 mars, il est peu probable que vous parveniez à convaincre vos amis, parents ou même voisins. Toutefois, il ne faut pas se résigner et hésiter à contre-attaquer en leur expliquant que de nombreuses régions du Japon restent accessibles sans passer nécessairement par Tôkyô et qu’elles proposent bien des sites merveilleux. Parmi elles, il y a le Chûbu, c’est-à-dire la partie centrale du pays située au nord de Nagoya. Pour y accéder, inutile de faire un détour par la capitale. Il n’y a certes pas de vols directs Paris-Nagoya, mais la compagnie Finnair assure un vol quotidien via Helsinki, le chemin le plus rapide vers le Japon. Slogan publicitaire certes, mais pour une fois véridique. Si vous êtes accro au vol direct, choisissez alors de passer par Ôsaka d’où vous pourrez atteindre Takayama en 3h30 par train. Cette cité située au cœur de l’archipel présente bien des atouts pour le voyageur en quête de dépaysement et de tradition. Entourée par les Alpes japonaises, la ville a su préserver de nombreux trésors. Sa taille relativement modeste invite à la promenade, ce qui permet d’en apprécier encore plus la richesse et les charmes. Pour appuyer ces propos, on peut ajouter que le Guide vert Michelin lui a accordé trois étoiles.Pour se mettre en condition, une petite visite dans le vieux quartier (Furuimachi nami) dont la plupart des bâtiments ont plus de 400 ans. Surnommé le “petit Kyôto”, c’est un merveilleux endroit pour débuter sa plongée dans la ville. Il ne s’agit pas d’une zone musée comme il en existe dans d’autres villes, mais bien d’un quartier vivant où l’on trouve de nombreux commerces traditionnels que les habitants fréquentent pour se procurer leur miso ou leur saké. On trouve en effet dans ces rues quelques brasseries de saké où l’on peut goûter la production locale, de quoi vous égayer ou vous réchauffer, car les matinées sont fraîches. Un peu plus loin, le fabricant de miso vous expliquera la différence entre l’aka miso (miso rouge) et le kôji miso (miso ocre). Le premier fermente 3 ans tandis que le second ne fermente qu’une année, ce qui lui donne un goût plus doux. Pour vous en convaincre, vous n’aurez qu’à les goûter et à en acheter un paquet de chaque. Une fois ouvert, le miso se conserve très bien pendant un an au réfrigérateur. De quoi épater vos amis à votre retour, d’autant que les marchands fournissent à ceux qui le demandent un mode d’emploi grâce auquel vous saurez préparer une soupe miso aussi bien qu’un Japonais de souche. La gentillesse avec laquelle les gens vous accueillent dans tous ces endroits présage du reste de la journée. Entre certains de ces vieux bâtiments, on découvre une bâtisse d’aspect plus moderne, même si elle est également en bois. Il s’agit de garages. On y abrite des chars. Il ne s’agit pas bien sûr de blindés, mais de ces grandes constructions en bois qui sont utilisées lors de la Fête de Takayama (Takayama Matsuri), laquelle se déroule en deux temps : au printemps et en automne. La première baptisée Sannô Matsuri se déroule les 14 et 15 avril. Elle est organisée par le sanctuaire shintô de Hie tandis que la seconde Hachiman Matsuri est liée au sanctuaire shintô de Sakaurayama Hachiman-gû. Elle a lieu les 9 et 10 octobre. Lors de ces deux rendez-vous, on sort de leurs hangars les magnifiques chars qui paradent ainsi dans la ville. Considérée comme l’une des trois plus belles fêtes de l’archipel, la Fête de Takayama, quelle que soit la saison que vous aurez choisie pour vous y rendre, permet de prendre la température de l’âme japonaise. Elle aussi est de nature à vous mettre du baume au cœur. Il n’est donc pas étonnant qu’elle attire chaque année des milliers de visiteurs impatients de prendre leur dose annuelle de bonne humeur.
Cette fête qui remonterait au XVIème siècle rappelle que Takayama est une cité fière de son passé. Une fois traversé le magnifique Nakabashi, pont rouge qui enjambe la rivière Miya, on se retrouve face à la résidence historique des gouverneurs (Takayama jinya) qui fut le siège du gouvernement local à l’époque d’Edo. Seul bâtiment de ce genre encore existant au Japon, sa visite s’impose. Même si les explications en langue occidentale (anglais) sont sommaires, on prend plaisir à déambuler dans ce vaste bâtiment qui permet de se faire une idée assez précise de la vie à cette époque. Pour peu que l’on ait lu un roman historique avant de partir, on s’y croirait notamment lorsqu’on pénètre dans la salle où les prisonniers devaient avouer leur crime. Mais cela ne vous coupera pas l’appétit. Ce serait dommage d’ailleurs, car un autre point fort de la ville est sa gastronomie. Le bœuf de la région (Hidagyû) est savoureux. Il est servi de différentes façons, la plus étonnante étant le sushi de bœuf qui permet d’apprécier toute la saveur de cette viande délicate. Entourée de rivières, la ville dispose aussi de nombreuses spécialités de poissons. Raison de plus pour prolonger le séjour à Takayama et de passer la nuit dans un de ces hôtels comprenant une source d’eau chaude (onsen). Idéal pour passer une nuit paisible avant de prendre le chemin du marché de Miya (Miyagawa Asa-ichi). Implanté le long de la rivère Miya, ce marché matinal est un vrai bonheur. On s’y bouscule pour acheter des légumes, des babioles ou des fleurs. Les petits producteurs locaux sont tous là, le sourire aux lèvres, contents de retrouver leur clientèle. C’est une balade très agréable qui peut se conclure par une dégustation de mitarashi dango, boulettes rôties au sirop de soja, ou de brochettes de bœuf de Hida. Une fois restauré, direction le quartier du temple Higashiyama (Higashiyama Tera-machi) pour une autre plongée dans le temps tout aussi réconfortante que les autres. Si après tout ça, vous n’avez pas retrouvé le sourire, c’est à désespérer…
Gabriel Bernard
Pratique :
Pour s’y rendre Au départ de Nagoya, 2h20 en train. Au départ d’Ôsaka ou de Kyôto, 3h30 en train.
Pour se loger Takayama Green Hotel 2-180 Nishi no Isshiki-chô, Takayama 506-0031.
Tél. : (0)577-33-5500. Etablissement de qualité avec un bel onsen.