Le projet de Maison pour tous soutenu par Zoom Japon a obtenu le Lion d’or à Venise. Mais la tâche est loin d’être achevée.
Dans les zones touchées par le sésime et le tsunami du 11 mars 2011, les efforts consentis pour reloger la population sinistrée ont été conséquents. En l’espace de six mois, l’ensemble des centres d’évacuation qui accueillaient les personnes ayant perdu leur maison ont été fermés, les autorités ayant terminé d’installer des logements provisoires. Implantés dans des parcs, des stades ou des espaces inhabités, ces préfabriqués souvent petits et mal isolés alors que la région connaît des hivers rigoureux et humides ont donc été alloués à des sinistrés encore déboussolés par la catastrophe naturelle. Même si chacun des logements bénéficiait d’un équipement et d’un confort raisonnables, leur petitesse est devenue rapidement un problème pour des gens qui auraient bien voulu retrouver une vie sociale ordinaire. C’est d’autant plus vrai que la région du Tôhoku est connue pour sa tradition orale. C’est là-bas que le grand folkloriste Yanigata Kunio a recueilli les histoires et légendes que l’on se racontait pendant les longues soirées d’hiver. Le besoin de communiquer a vite été identifié par les spécialistes en charge de suivre les personnes sinistrées. Mais devant l’ampleur des dégâts, les pouvoirs publics n’ont pas considéré que la création de lieux où la parole pourrait être échangée était une priorité. Par ailleurs, le mode de gestion bureaucratique de la reconstruction empêchait que le bien-être de la population soit un critère suffisant pour envisager d’investir des fonds publics. Comme par ailleurs les réglementations imposent un traitement égalitaire entre les différentes zones sinistrées, il était difficile d’imaginer de bâtir des lieux de rencontre et de partage aadaptés aux besoins locaux. C’est ainsi que des initiatives privées ont pris le relais afin de répondre à des demandes particulières. Très sensible à la notion de bien-être, l’architecte Itô Toyô a été de ceux qui se sont mobilisés pour éviter que les sinistrés se retrouvent livrés à eux-mêmes dans leurs minuscules logements provisoires. “Je réfléchis depuis longtemps à la manière de créer des espaces dans lesquels les gens se sentent bien. Donner le sentiment de liberté est très important à mes yeux”, nous avait-il expliqué en mars dernier. Très attaché à la ville de Sendai où il a notamment construit la médiathèque qui a contribué à sa renommée internationale, Itô Toyô a donc choisi de monter un projet baptisé Maison pour tous (Minna no ie) dont le principe de base est de permettre à la population de se retrouver dans une ambiance chaleureuse de manière à se libérer de toutes les contraintes liées à la vie quotidienne dans les zones de relogement provisoire. Avec le soutien de la préfecture de Kumamoto, à Kyûshû, il a bénéficié d’un financement suffisant pour lancer la construction de la première Maison pour tous, laquelle a été inaugurée il y a tout juste un an. Cet espace ouvert avec de grandes fenêtres est devenu un lieu de rencontre privilégié pour les habitants d’un lotissement de préfabriqués situé dans un parc jouxtant une zone indsutrielle. En relation avec les résidents, l’architecte a donc élaboré un bâtiment adapté à leurs besoins. “Des lieux comme la Maison pour tous sont particulièrement importants, non seulement pour se retrouver et se réconforter, mais aussi pour réfléchir et discuter ensemble de la nouvelle ville à reconstruire”, confirme Itô Toyô qui, devant l’accueil réservé à son premier projet, a décidé de prolonger son initiative, en associant des confrères pour que ceux-ci se lancent dans la construction d’autres lieux de ce genre. L’association Kisyn no kai qu’il a fondée avec plusieurs architectes japonais de renom comme Yamamoto Riken, Naitô Hiroshi, Kuma Kengo et Sejima Kazuyo a donc décidé de bâtir une centaine de Maisons pour tous dans l’ensemble de la région frappée par la catastrophe du 11 mars 2011.
Au 1er octobre, les lecteurs de Zoom ont versé près de 20 000 € au projet
Lorsque l’équipe de Zoom Japon a visité la première maison à Sendai à l’automne dernier, ses membres ont été touchés par l’enthousiasme qu’elle avait suscité parmi les habitants et la joie manifeste qu’ils avaient à s’y retrouver. Depuis cet instant, nous avons décidé de nous associer à ce projet et de mobiliser autant que faire se peut nos lecteurs pour qu’ils soutiennent la construction d’autres Maisons pour tous. C’est à Rikuzentakata que le second projet porté par Itô Toyô a été établi. Cette cité balnéaire, célèbre pour sa forêt de 70 000 pins en bordure de mer dont un seul avait survécu au tsunami (il a finalement été abattu le 12 septembre), a subi de gros dommages et sa population a payé un lourd tribut à la colère de la nature. Dès lors, l’idée de pouvoir apporter un peu de bien-être à tous ces gens s’est naturellement imposée dans l’esprit des animateurs de Kisyn no kai. Itô Toyô s’est rendu plusieurs fois sur place en novembre 2011 pour recueillir les témoignages et les attentes des habitants relogés afin d’offrir un lieu répondant aux besoins exprimés. La Fondation du Japon a retenu le projet pour qu’il représente le Japon à la Biennale de Venise. A compter de décembre et jusqu’à la fin du mois de mai, Itô Toyô en compagnie de trois jeunes confrères — Inui Kumiko, Fujimoto Sou, Hirata Akihisa — ont travaillé à la fois sur la Maison à poposer à Rikuzentakata et conçu plusieurs projets — au total près d’une centaine — autour de l’idée “L’architecture est-elle possible là où il n’y a rien ?” Pendant cette période de gestation, Zoom Japon a commencé à sensibiliser ses lecteurs à ce projet et lancer un appel aux dons. Grâce à votre générosité et celle d’autres donateurs, la maison de Rikuzentakata sera bientôt inaugurée. L’enthousiasme placé dans cette aventure humaine et architecturale s’est donc transporté à Venise pour la biennale qui s’est ouverte fin août. Le pavillon japonais dont Itô Toyô avait la responsabilité et qui présentait l’opération Maison pour tous de Rikuzentakata a obtenu le Lion d’or. Ce trophée récompense ainsi une chaîne de solidarité. Il doit aussi la renforcer pour que d’autres Maisons pour tous voient le jour dans les zones sinistrées. Voilà pourquoi nous continuons à soutenir cette initiative et nous vous invitons à suivre la même voie, en finançant même modestement la construction de nouveaux lieux de partage.
Gabriel Bernard