Jusqu’aux manifestations du mois de juin autour de la résidence du Premier ministre qu’il n’a pas jugé bon de couvrir, le Tôkyô Shimbun bénéficiait depuis plusieurs mois d’une réputation grandissante parmi les habitants de la capitale. Ses prises de position en faveur d’une sortie du nucléaire ne sont pas étrangères à ce regain de popularité. Il n’était pas rare d’entendre dans la bouche de Tokyoïtes que “le seul à dire la vérité est le Tôkyô Shimbun”. Il faut dire qu’à la différence de ses confrères, il a traité de façon exhaustive la plupart des rassemblements anti-nucléaires qui ont été organisés depuis le printemps de 2011. Celui a valu de gagner de nouveaux lecteurs au moment où les autres journaux en perdaient. Toutefois, le Tôkyô Shimbun reste un quotidien modeste. Sa diffusion ne dépasse par les 550 000 exemplaires quand le Yomiuri Shilmbun, le premier quotidien du pays, en vend 10 millions et que l’Asahi Shimbun, le numéro deux, en écoule près de 8 millions. Propriété du groupe Chûnichi Shimbun, principal quotidien de la région de Nagoya, le Tôkyô Shimbun fait figure d’un ovni dans le paysage de la presse japonaise, ce qui lui permet une certaine liberté de ton que les autres journaux ne s’autorise pas.
On la retrouve en particulier dans la rubrique Kochira tokuhôbu [Voici la section spéciale] dont la notoriété ne cesse de croître depuis 18 mois. Cette section spéciale n’est pourtant pas toute jeune. Elle a été créée en 1968 dans le but de publier des enquêtes et des sujets que les autres sections du journal ne pouvaient pas couvrir pour des raisons d’encombrement ou d’orientation éditoriale. Les événements liés à l’accident de la centrale de Fukushima Dai-ichi lui ont donné une nouvelle dimension, puisqu’elle est très vite devenue un espace où l’on analysait de façon critique le travail des autres médias et où l’on s’interrogeait sur les bienfaits de l’énergie nucléaire. L’objectif principal est de suivre les mouvements de citoyens (shimin undô) afin d’être au plus près des préoccupations de la population afin de mieux les relayer. Composée d’une douzaine de journalistes dont les deux tiers sont sur le terrain, la section spéciale du Tôkyô Shimbun constitue une espèce d’avant-garde grâce à laquelle le quotidien reste en contact avec la réalité ou presque…
Odaira Namihei