Venu tardivement au tressage du bambou, il a tout appris de son père.
L’artisanat du bambou a une histoire très ancienne dans l’archipel, puisque des fouilles ont révélé des paniers finement tressés et laqués datant de l’époque Jômon tardive (1100-300 avant J.-C.). Sans doute importées de Chine, les techniques utilisées au Japon vont cependant évoluer avec le temps et avec le développement des classes moyennes à partir du XVIIème siècle. Désireuses elles aussi de pouvoir accéder à des produits de qualité et volontiers enclines à imiter l’aristocratie, elles vont chercher à acquérir les mêmes objets. Cette forte demande va favoriser l’émergence du métier de vannier (kagoshi) qui, tout en s’inspirant des techniques chinoises, va petit à petit s’en détacher pour créer un nouveau savoir-faire. Les techniques nouvelles permettent de réaliser des objets de belles factures qui supplanteront ceux inspirés par la Chine. Comme l’explique Dominique Buisson dans son remarquable ouvrage L’Esprit du bambou (éd. Philippe Picquier, 2004), “le travail du vannier s’apparente à une calligraphie dans l’espace où les vides et les pleins s’équilibrent comme la respiration du non-peint de l’idéogramme s’harmonise avec la trace noire laissée par le geste”. Miyata Hiroshi ne dira pas le contraire. Cet artisan, spécialiste du bambou, a passé sa vie à manipuler et tresser cette plante. “Cela fait 45 ans que je m’occupe de produire des paniers (zaru) et autres corbeilles à fleurs (hanakago)”, raconte-t-il. C’est son père qui l’a initié tardivement à l’art de la vannerie. “J’avais 30 ans”, confie-t-il. “J’avais d’abord été cuisinier dans un restaurant de poisson cru avant de m’intéresser au tressage et d’apprendre les techniques de base”. Seule la peau du bambou est utilisée pour la réalisation de la plupart des objets. Pour la récupérer, l’artisan doit fendre le bambou qui a séché au moins une année après sa récolte. Le fendage s’opère soit verticalement (tatewari) par réductions successives de la largeur des lamelles, soit horizontalement (yokowari). Ces gestes, il les répète jour après jour. Malgré ses longues années d’expérience, Miyata Hiroshi reste humble devant son travail. Certaines opérations comme le fendage à la bouche (kuchihagi) sont très délicates. Celui-ci consiste à couper en deux, sans les voir, les lanières les plus fines en tenant leur extrémité entre les dents, tout en s’assurant de ne pas les fendre jusqu’au bout pour en conserver la solidité. Il faut de très nombreuses années de travail pour maîtriser tous ces gestes. Après, le tressage lui-même demande également la connaissance de nombreuses méthodes qui permettront de tirer le meilleur parti des différentes lanières. Car chacune d’elles est différente, ce qui signifie que chaque panier sera unique. Les objets que réalise Miyata Hiroshi ont acquis une belle réputation. “Je reçois des commandes de tout le pays”, ajoute-t-il. Mais lorsqu’il s’arrêtera, il n’aura pas de successeur. Sans enfant, il n’a pas pu transmettre son savoir-faire comme l’avait fait son père. C’est sans doute un regret pour lui, même s’il ne l’exprime pas ouvertement. Concentré sur le tressage d’une nouvelle commande, il a les yeux fixés sur son ouvrage. Le geste sûr, il assemble les lanières les unes après les autres. Le temps semble s’être suspendu. Miyata Hiroshi travaille.
Odaira Namihei