La tranquille cité portuaire située sur la Mer intérieure attire depuis des lustres les amateurs de calme et bonne chère.
Source d’inspiration pour des écrivains et des artistes depuis des siècles. On la trouve mentionnée dans le Manyôshû, le plus ancien recueil de poésie japonaise. Bashô Matsuo, légendaire auteur de haïku, y a passé quelque temps en 1689. Plus récemment, le réalisateur Ozu Yasujirô a choisi Onomichi comme archétype de la cité japonaise pour son film désormais classique Voyage à Tôkyô (Tôkyô Monogatari, 1953). Son homologue allemand Wim Wenders a tellement apprécié son film qu’il y a accompli un pèlerinage cinquante ans plus tard dont il a tiré un livre Journey to Onomichi [éd. Schirmer/Mosel Verlag].
Cinéma et littérature mis à part, les Japonais affectionnent aussi Onomichi pour quelque chose qui peut échapper à un voyageur occidental : ses râmen (voir Zoom Japon n° 26, décembre 2012-janvier 2013, p. 8). Ils sont nombreux à venir de toute la préfecture de Hiroshima et d’ailleurs pour goûter ses fameuses nouilles. De longues queues se forment à l’extérieur des restaurants de râmen les plus populaires et l’hiver, il n’est pas rare qu’on installe des chauffages d’extérieur pour éviter que les clients en attente attrapent froid.
La meilleure façon de découvrir la ville est d’emprunter le téléphérique, construit en 1957 et à deux pas de la gare, qui vous mènera au parc Senkôji qui la domine. L’ascension ne dure que quelques minutes, mais elle est impressionnante. Les cabines frôlent en effet les cimes des pins qui recouvrent la colline. Une fois au sommet, vous serez récompensés par une vue imprenable sur la cité et les nombreuses îles de la Mer intérieure perdues dans la brume. La vue est encore meilleure depuis l’observatoire qui ressemble à une soucoupe volante et qui constitue le point le plus élevé de la ville. Par temps clair, on peut apercevoir Shikoku, la quatrième plus grande île de l’archipel. A l’intérieur de l’observatoire, un restaurant de nouilles vous offre la possibilité de goûter les fameux râmen d’Onomichi.
Pour retourner au cœur de la ville, il suffit de suivre un chemin raide et sinueux baptisé sentier de la littérature (bungaku no komichi) tout au long duquel, au milieu des pins et de leur parfum agréable, on trouve 25 stèles en pierre. Sur chacun d’entre elles, sont gravées des citations d’auteurs légendaires qui ont un rapport avec la ville comme la féministe Hayashi Fumiko. Même si l’on est incapable de lire le japonais, on ne peut pas s’empêcher d’être transporté par cette galerie d’art en plein air. Il est aussi amusant de quitter l’allée principale pour se perdre dans les petits sentiers où l’on croise les célèbres chats d’Onomichi faisant leur sieste et où l’on peut tomber sur de pittoresques salons de thé cachés dans les plis de la colline. A mi-chemin sur le sentier de la littérature, préparez-vous à être saisi par la beauté du temple de Senkô-ji rouge vermillon et la cloche de la tour Kyô-onro. Fondé en 806, c’est un des principaux symboles de la ville. De nombreux étudiants se rendent au temple Senkô-ji pour y acheter des omamori (amulettes) qui doivent leur apporter chance pour leurs examens. Le son de la cloche Kyô-onro a été inscrit sur la liste des 100 sons du Japon qui doivent être préservés. En plongeant le regard vers le bas de la colline, vous apercevrez le temple Tennen-ji fondé en 1367 réputé pour sa pagode à trois étages.
Il est facile de passer une journée à visiter tous les temples de la ville. En effet, Onomichi est la cité du Japon qui compte le plus de temples anciens au kilomètre carré après Kyôto. La plupart d’entre eux ont été bâtis grâce au soutien financier des riches marchands de la cité portuaire quand celle-ci était au faîte de sa gloire. Il existe d’ailleurs un parcours qui vous conduira vers 25 des temples les plus intéressants répartis à travers la ville. Certains d’entre eux, comme le Saikoku-ji et ses sandales géantes en cordes accrochées à l’extérieur, remonte au VIIIème siècle. Inutile de forcer l’allure, cette promenade dans les temples doit se savourer tranquillement.
De retour au centre-ville, il est temps de partir à la découverte du front de mer et de Hondôri, la galerie marchande couverte. La plupart des restaurants de râmen se trouvent dans cette partie de la cité. Il n’est pas rare de voir une centaine de personnes attendre patiemment leur tour à l’entrée de ces établissements comme le Shûkaken. Cela vaut aussi la peine de faire un tour dans les boutiques spécialisées dans le poisson séché. Vous y trouverez aussi des senbei, ces gâteaux de riz dont le goût est réhaussé par du poulpe ou du poisson séché. Dans les restaurants de râmen, sur les comptoirs on trouve des pots de condiments dans lesquels les clients peuvent se servir de gingembre mariné ou de gousses d’ail pelées. Le service y est rapide. Le serveur dépose sans trop d’attente votre bol de nouilles garni d’oignons hachés, de petits légumes et d’une généreuse tranche de porc. Un ensemble parfait qui revigore après une matinée de visite. Si vous restez sur votre faim, faites comme les habitués, et demandez en accompagnement des onigiri (boule de riz fourée au saumon, aux algues ou aux œufs de poisson) ou des gyôza (raviolis).
Personne n’arrive encore à se mettre d’accord pour expliquer ce qui rend les râmen d’Onomichi si particuliers. Certains affirment que ce sont “les os de porc dans le bouillon” tandis que d’autres disent que c’est la forme plate des nouilles. Vous entendrez aussi ceux qui vous diront que c’est l’utilisation de la sauce de soja plutôt que le miso qui donne son caractère aux râmen. Quoi qu’il en soit, un voyage à Onomichi changera à jamais votre point de vue sur les râmen.
Steve John Powell
S’y rendre :
La meilleure façon pour atteindre Onomichi est d’emprunter la ligne JR Sanyô au départ de Kôbe, d’Okayama ou de Hiroshima. La portion de la ligne entre Mitsugana et Mihara où se situe justement Onomichi est réputée pour la beauté des paysages qu’elle traverse. Vous bénéficiez d’une vue fantastique sur la Mer intérieure.
Pour en savoir plus : Le Japon vu du train, éd. Ilyfunet, 2012, 18 €.