C’est un autodidacte qui a ouvert la voie aux études françaises dans l’archipel au milieu du XIXe siècle.
Au Japon, les études concernant la langue française remonte à 1808, lorsque les six traducteurs japonais du hollandais ont appris le français par l’intermédiaire de Hendrik Doeff (1777-1835), commissionnaire hollandais installé sur l’île de Deshima, à Nagasaki.
Le résultat a été publié en 1817 sous la forme de deux dictionnaires. Mais leur publication n’étant pas officielle, elle n’a pas été connue du public.
Voilà pourquoi l’apprentissage du français n’est pas allé plus loin à cette époque. Il a fallu attendre Murakami Hidetoshi pour qu’il reprenne. Il est d’ailleurs considéré comme le pionnier des études françaises au Japon.
Il est né en 1811 dans l’actuel quartier de Sakuyama, à Ôtawara, dans la préfecture de Tochigi, au nord-est de Tôkyô. En 1824, il s’installa à Edo pour apprendre la langue néerlandaise avec Udagawa Yoan (1798-1844), professeur des études hollandaises. En 1841, il se rendit à à Matsushiro, dans la préfecture de Nagano, pour travailler comme médecin officiel. En 1848, Sakuma Shôzan, un guerrier féodal et professeur des études militaires, lui conseilla d’apprendre le français, ce qu’il fit tout seul. C’était un personnage unique qui resta autodidacte jusqu’à la fin de sa vie. En 1851, Murakami Hidetoshi retourna à Edo et sept ans plus tard, il devint professeur à l’actuelle université de Tôkyô où il s’occupa de la section de traduction des langues étrangères.
La publication de son Sango Benran [Fascicule des trois langues] en 1863 marque une étape importante puisque, l’année suivante, il sort le premier dictionnaire alphabétique de langue française.
Contrairement aux précédents dictionnaires qui ressemblaient plutôt à un carnet de vocabulaire, ce dictionnaire propose plusieurs traductions pour un mot ; et comme l’on en trouve partout au Japon, il semble bien répandu. C’est un véritable dictionnaire, que l’on peut considérer comme le plus important dans l’histoire des dictionnaires de langue française au Japon.
Par ailleurs, en 1868 il ouvrit un cours privé de français baptisé Tatsurido dans le quartier de Kôtô, à Tôkyô, afin d’y promouvoir l’enseignement de la langue de Molière. D’après les archives, le nombre de ses élèves a atteint 429. Parmi eux, on trouve les noms de ceux qui se sont illustrés dans les études du français et dans le monde des juristes après 1868. Cette école privée a fermé ses portes en 1877 et a été remplacée par d’autres cours privés proposés par des personnes de retour de France comme Mitsukuri Rinsho qui devint plus tard procureur général.
Murakami Hidetoshi est aussi l’auteur d’une grammaire de la langue française, puis un dictionnaire en cinq langues (japonais, français, anglais, néerlandais et latin) en 1867. En 1872, il a publié un livre de conversation alors que ce n’était pas son fort. Bien qu’il n’ait jamais eu de contact avec les Français, on peut néanmoins déceler clairement ses progrès puisque la transcription phonétique est beaucoup plus fidèle par rapport au dictionnaire de 1864 tout comme les descriptions détaillées des liaisons et des élisions.
En 1882, il fut élu membre de l’Académie de Tôkyô. Le 18 août 1885, la France lui a remis l’insigne de Chevalier de la légion d’honneur. Il fut le premier Japonais à recevoir cet honneur pour des études françaises.
Comme professeur, éditeur de différents ouvrages de langue, traducteur et éducateur, Murakami Hidetoshi a été véritablement un pionnier dans ce domaine. Le 9 octobre 2008, la ville d’Ôtawara, a dévoilé un monument à la mémoire de ce personnage atypique, en présence de ses descendants.
Nishibori Akira
En savoir plus :
Plusieurs ouvrages consacrés aux relations entre la France et le Japon ont été publiés. Parmi eux, on peut citer Le Japon et la France, images d’une découverte publié en 1974 aux Publications orientalistes de France. Référence en la matière, l’ouvrage a depuis été complété par La Présence française au Japon, du XVIe siècle à nos jours signée par Jean-Marie Thiébaud chez L’Harmattan (2008). Il ne faut pas non plus oublier l’excellente étude d’Elisabeth de Touchet consacrée à l’arsenal de Yokosuka. Parue en 2003, elle s’intitule Quand les Français armaient le Japon : la création de l’arsenal de Yokosuka aux Presses universitaires de Rennes.
Odaira Namihei