Comment était l’ambiance sur le plateau ?
K. S. : C’était formidable. Notre groupe de cinq était très soudé. Evidemment, nous étions très sérieux sur le plateau et on essayait toujours de faire de notre mieux. Mais nous étions jeunes et on aimait bien s’amuser. Le capitaine Muramatsu et Arashi venaient d’entrer dans la trentaine, j’avais 27 ans. Ide avait un an de moins que moi, et Akiko [Fuji] n’avait que 20 ans. On attendait avec impatience la fin du tournage pour aller boire un coup ensemble. (rires)
Je parie que vous avez connu beaucoup d’aventures sur le tournage.
K. S. : En effet, et parfois ce n’était pas très agréable. Par exemple, dans l’épisode 20, Terreur sur la route 87, Ultraman combat le monstre Hydra. Il fallait tourner de nuit au parc Saboten (parc des cactus), dans la péninsule d’Izu. Alors que le monstre apparaissait, me tenant près d’un cactus, mon fusil pointé vers lui, j’ai soudain perdu l’équilibre et suis tombé sur un cactus. J’ai dû baisser mon pantalon pour que l’équipe retire les épines de mes fesses à la lumière d’une torche électrique !
Était-ce difficile de travailler avec Tsuburaya Eiji, le créateur de Tsuburaya Productions ? Comment était-il sur le plateau ?
K. S. : En fait nous n’avons jamais travaillé ensemble. Il était en charge du studio des effets spéciaux et il ne se mêlait pas vraiment des autres aspects de la production. Les deux studios étaient deux entités distinctes et c’est seulement dans la salle de montage que les deux éléments étaient rassemblés. Tsuburaya-san était un homme très gentil. Je pense que les autres membres de l’AIS l’ont rencontré quelques fois, mais, en ce qui me concerne, je n’ai jamais eu la chance de lui parler.
A cette époque, le studio était situé dans l’arrondissement de Setagaya, au sud-ouest de Tôkyô…
K. S. : Oui, les deux studios – celui où je travaillais et celui des effets spéciaux – étaient situés à 15 minutes à pied de l’autre. Le fameux Bijutsu Sentâ (Art Center) en particulier n’était qu’un vulgaire bâtiment recouvert de tôle ondulée. Il avait un côté primitif. On pouvait entendre tout type de bruit venant de l’extérieur, comme la pluie par exemple, ce qui interdisait tout travail de synchronisation.
Vous êtes apparu au cours des années dans de nombreuses suites de la série ou dans les films inspirés par Ultraman. Que pensez-vous de la façon dont le personnage a évolué ?
K. S. : Comme vous le savez, Tsuburaya Eiji a été un pionnier des effets spéciaux. Encore aujourd’hui, cette spécialité japonaise est mondialement connue. Aujourd’hui, le numérique représente une partie essentielle de la production, mais je pense que les premières œuvres doivent leur succès à leur dimension analogique, au fait qu’elles donnaient l’impression d’avoir été faites à la main. Il y avait une chaleur qu’un ordinateur ne peut pas reproduire.
Les super héros américains ne meurent jamais et ne vieillissent jamais, tandis qu’au Japon, les personnages importants disparaissent effectivement et ne reviennent pas. La première série tournée en 1966 s’achève lorsque Ultraman est gravement blessé par le monstre Zetton avant que Zoffy (son supérieur) vienne lui sauver la vie pour le ramener sur sa planète. En Occident, une telle fin n’aurait jamais pu être imaginée. Pourquoi trouve-t-on dans les téléfilms et les films japonais des histoires qui se terminent de cette manière ?
K. S. : Je ne sais vraiment pas pourquoi. A vrai dire, je ne me suis jamais posé la question. Mais vous avez raison. Alors que la série se termine avec Zoffy emportant Ultraman au loin et avec Hayata sans aucun souvenir de ce qui est arrivé depuis leur première rencontre, la version anglaise affirme qu’Ultraman reviendra, que Hayata se souvient de tout et qu’il attend le retour d’Ultraman.
A l’origine, la série devait durer plus longtemps, mais en raison de l’énorme quantité de travail qu’exigeait chaque épisode, il a finalement été décidé d’arrêter la série après l’épisode 39. Voilà pourquoi, la fin est un peu maladroite.
Propos recueillis par J. D.